Contrat Transavia – De plus en plus de fissures

Le développement de Transavia est tel que le passage par la case verte concerne de plus en plus de pilotes. Jeunes embauchés à qui on ne donne pas le choix, CDB qui souhaitent voler à Orly ou OPL long-courrier qui veulent évoluer sans attendre dans leur carrière, toutes et tous subissent cette obligation, parfois sans regrets, parfois à contrecœur.

Transavia a été créée en 2007, sous l’impulsion de la direction, avec l’accompagnement zélé du SNPL. Limitée à 14 avions dans un premier temps, c’est sur le réseau Air France que la compagnie a tenté de prospérer. 

En 2014, Juniac tentait le coup de poker d’un développement accéléré, imaginant déjà des bases en Europe. Il entendait profiter d’un bureau SNPL qui s’inscrivait dans la continuité de celui de 2007, qui avait fait la preuve de sa fidélité à son slogan « après moi le déluge » en signant Transform 2015 qui pénalisait presque exclusivement les pilotes les moins anciens (gel des classes). Si en début d’année 2014, le SNPL a bien signé une expérimentation d’évolution de Transavia, la transformation de l’essai ne put se faire pour une raison peu anticipable : le SNPL Air France a perdu l’élection au conseil d’administration (CA) en avril. Une première ! 14 jours de grève en septembre avec comme revendication la reprise de la feuille de route qu’ALTER avait proposée au vote lors de l’élection au CA « un contrat commun » seront le prix à faire payer aux pilotes pour donner l’illusion qu’il était encore capable de revendiquer, de s’opposer à un néfaste projet de la direction.

À partir de 2014, et plus particulièrement en 2019, le SNPL a accepté le développement illimité de Transavia, échangeant casse sociale chez le PS et les PNC contre la présence de pilotes Air France aux commandes des avions, aux conditions très proches de celles d’Air France.

Contre mauvaise fortune bon cœur

Que l’on soit solidairement touché par cette trahison de collègues ou qu’on n’y voit rien de choquant, il faut bien exercer son métier. 

Au rayon mauvaise fortune :

Pas de subventions du CSEEA Air France (jusque 5000 euros de perte annuelle), pas de primes d’intéressement et participation (4000 euros en 2024), pas de protocole instructeur, pas de contractualisation des hébergements, pas de manuel de routes, etc.ALTER revendique ces points, nous ne lâcherons pas !

ALTER a profité de la négociation intéressement participation pour demander qu’Air France applique la loi et que les pilotes détachés soient bénéficiaires de ces primes, nous n’avons pas été soutenus. Les pilotes qui réclament ces primes en justice, à l’initiative d’ALTER, seront les seuls bénéficiaires du résultat, c’est bien dommage au regard du rôle dévolu à un syndicat.

La prise de congé diffère de celles d’Air France (pas d’avance de droits, préparez-vous à un parcours du combattant lors de votre première année pour avoir des congés).

Et pour finir, une information relativement nouvelle : si vous partez à la retraite en étant rattaché au CSE de Transavia depuis plus de 2 ans, vous ne pourrez plus jamais bénéficier du CSE EA d’Air France (car pour cela, il faut avoir plus de 50 ans, avoir cotisé 20 ans à la CRPN et avoir été rattaché au CSE EA les deux dernières années avant la retraite). Elle est pas belle la vie ?

Au rayon bon cœur :

Les pilotes de Transavia bénéficient d’un usage qui donne satisfaction (les libres échanges de rotation, SWAP), ne font pas de réserve et bénéficient de primes selon les types de modifications de planning et/ou leur acceptation de « dépanner ».

Le bon cœur se fissure :

Les swaps seront bientôt encadrés sévèrement, l’argument Sécurité des Vols n’étant plus érigé comme seul motif. Pourtant, il n’est pas envisagé, dans le cadre de la suppressionde cet usage (qui a valeur juridique), de mettre sur la table un package de mesures équilibrées pour les pilotes.

Les réserves vont être introduites chez Transavia, avec l’acceptation tacite des signataires qu’il n’y avait pas d’autre alternative. Pourtant, ni la DGAC ni l’EASA n’ont exigé cette mise en place : la constatation était de niveau 2, à mi-chemin entre la constatation de niveau 1 et la simple remarque. Les autorités exigeaient un système robuste pour contrôler la fatigue, conformément aux ORO.FTL.110, 225 et 230, ils n’ont jamais exigé des réserves. Transavia avoue elle-même des objectifs allant bien au-delà d’une réponse aux autorités : « Préserver le modèle de régulation existant, accentuer la robustesse opérationnelle​, fiabiliser le dimensionnement et les cadences​ ».

Les primes sont en sursis…  

Un double lien contractuel dangereux 

Nous avons eu maintes occasions de détailler le montage plus que bancal et contestable du contrat de détachement chez Transavia. Pourquoi une telle usine à gaz ? Tout simplement pour développer Transavia sur le dos du contrat de nos collègues sol et PNC. 
C’est le paradigme qui a permis le développement de Transavia France : on laisse la direction commettre un saccage social (ou « s’aligner sur les standards de l’industrie » selon sa façon de voir les choses) avec les PS (sous-traitants), et les PNC (contrat au rabais comparé à AF), et en échange on installe des pilotes AF, aux conditions qu’on espère se rapprocher de celles d’Air France.

Pour ALTER, c’est une faute morale, fruit d’un corporatisme égocentré que nous ne cesserons jamais de dénoncer.

Ces contraintes mises en place pour détacher Transavia et nombres de ses salariés de tout lien avec Air France ont conduit, pour les pilotes, à la création d’un double lien contractuel : Transavia a le pouvoir d’organisation en tant qu’entreprise « utilisatrice », Air France conserve le pouvoir disciplinaire et professionnel.

C’est ainsi que des situations parfois ubuesques, parfois gravissimes, peuvent survenir.

Au rayon disciplinaire, malgré l’espoir que nous portons dans le renouvellement de l’encadrement pilote, nous avons vu apparaitre les méthodes du chef pilote A320Neo TO.

Récemment, il a confondu autorité et autoritarisme contre un CDB ayant commis une erreur que tout un chacun aurait pu commettre : ce CDB a emprunté une sortie Schengen de retour de Larnaka (provenance Chypre, pourtant dans l’UE). En plus de se substituer aux autorités de l’aéroport (qui se sont contentées d’une simple réprimande au téléphone), s’est permis d’accuser ce CDB d’avoir voulu, en gilet jaune, camoufler son passage de la vue des caméras. Non Monsieur le chef pilote, l’aviation, ce n’est pas le bureau des légendes, n’allez pas chercher ce qui n’existe pas et soyez bienveillants face à une erreur qui n’entre pas dans votre périmètre d’autorité ! 

Ne voulant en rester là, ce chef pilote de la division A320Neo de Transavia a sollicité Air France pour engager une procédure de sanction pouvant aller jusque 5 jours sans solde, pour « manquement à la sureté ». 

Le chef pilote Air France qui a reçu le CDB était bien en peine de juger l’histoire, peu au fait de l’aéroport d’Orly, de ses spécificités et des règlements propres à Transavia. Il a donc, logiquement, décidé de ne pas donner suite à la demande de sanction pour une histoire qui ne concerne que le CDB et l’autorité.

L’affaire peut prêter à sourire, mais nous interpelle sur de futurs cas possibles, qui peuvent concerner le niveau professionnel. 

Comment un chef pilote pourrait, lors d’un entretien ou lors d’un conseil d’aptitude professionnelle, se faire une idée des décisions à prendre pour un cas que Transavia lui aurait transmis ? Les Manex D diffèrent, les procédures et méthodes d’instruction également !

Comment un chef pilote Air France pourrait-il réagir pour traiter le cas d’un pilote en objectif non atteint causé par un « 1 » dans la compétence connaissance au motif plus qu’abscons : « L’utilisation d’AVIOBOOK consomme encore trop de ressources; certaines documentations ne sont pas connues ou maitrisées (ex. : Check list POGO qui permet de connaitre les moyens mis en œuvre en cas de dégagement CDB, appendice 3B-liste des pays de provenance donnant lieu à une fouille de sureté). » Notre chef pilote sait-ilseulement de quoi l’instructeur parle, sait-il qu’il n’y a pas d’appendice 3-a, sait-il si ce fameux appendice fait partie du référentiel officiel ?

Définitivement, nous allons au-devant de graves ennuis et des difficultés à traiter les dossiers de manière juste et équitable. Il se pourrait même que ce soit un jour le chef pilote A320Neo qui se retrouve à devoir s’expliquer devant l’encadrement pilote d’Air France pour justifier des manquements en matière de respect des règlements de programmation des activités ou de violation du protocole SV… 

Socialement, humainement, économiquement, stratégiquement, juridiquement, tout ce qui a été mis en place pour développer Transavia France est un échec. Quel dirigeant aura le courage de le reconnaitre avant qu’il ne soit trop tard? Quel syndicat signataire de l’accord de groupe (SPAF et SNPL) aura le courage de dénoncer l’accord et d’obliger la direction à repartir d’une page blanche avec un délai de 15 mois pour négocier? Quel syndicat accompagnera ALTER dans ses démarches juridiques pour faire dire le droit et surtout rétablir l’équité pour les pilotes détachés?

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