Procès AF447

Procès en appel

Le premier procès de lʼAF 447 sʼest ouvert le 10 octobre 2022, 13 ans après lʼaccident.

Pour les familles des victimes et de nos collègues, ce moment de vérité revêtait une importance cruciale.

Le Tribunal a reproché à la société Airbus et à la société Air France dʼavoir, par maladresse ou imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé la mort de lʼensemble des passagers et de lʼéquipage de lʼappareil effectuant le vol AF 447.

ALTER, partie civile dans ce procès, vous a tenu informés au jour le jour du déroulé de toutes les audiences auxquelles nous avons assistées.

À la veille du procès en appel (29 septembre-27 novembre 2025), il nous a semblé utile de vous permettre de vous replonger dans ce procès en première instance. Lʼintégralité du document reprenant toutes les auditions est consultable dans la section « Archives ».

Face aux 228 victimes de lʼaccident, il convient de rappeler avec solennité que lʼhumilité dʼun constructeur et la capacité dʼun exploitant à réagir à un risque identifié (et ce sans considérations économiques), sont deux des composantes essentielles à la Sécurité des Vols.

Ce procès doit servir la Sécurité des Vols.

Brèves Telegram

Le procès en appel de l’AF447 s’est ouvert ce lundi 29 septembre 2025, 16 ans après l’accident et 3 ans après le premier procès. Pour les familles des victimes, pour la mémoire de nos collègues et pour nous tous, pilotes, ce procès en appel revêt une importance cruciale.

ALTER vous propose ici un résumé au jour le jour des discussions qui seront tenues à la barre.

AF447

2 Oct 2025

📆 29 septembre 2025 – Jour 1 ⚖️

Aujourd’hui, vient de s’ouvrir le procès en appel de l’AF447. Comme le rappelle la Présidente de la cour, ce procès se tient dans la prestigieuse salle de la cour d’appel de Paris qui a vu nombre de procès célèbres. Elle salue les familles des victimes présentes à cette audience, indique que la cour tient à leur faire part de sa très profonde compassion et évoque le respect de la cause de chacun. Elle cite les 228 victimes, dont 216 passagers, 9 membres d’équipage PNC, 1 commandant de bord et 2 copilotes.

Anne RIGAIL, citée à la barre pour une déclaration générale, fait également part de sa compassion pour les familles des victimes et souligne que « cette date est une immense douleur. Le souvenir ne m’a jamais quitté. Air France n’oublie pas et n’oubliera jamais ». Mais elle réaffirme la position constante de la compagnie : « Air France maintiendra qu’elle n’a pas commis de faute pénale. ». Le délégataire d’Air France durant le procès sera Pascal WEIL.

De la même façon, Guillaume FAURY indique prendre la parole avec peine et gravité « C’est important pour moi et nous tous chez Airbus. [..] Notre mission dans le transport aérien c’est que les hommes et femmes qui montent dans un avion se posent en sécurité à la fin du vol. L’accident du Rio Paris est une tragédie [..] Chaque matin [lorsque je me réveille], je stresse qu’il ait pu y avoir un autre accident comme celui-là. On ne peut pas changer le passé. Mais on doit en apprendre le plus possible. C’est comme cela qu’on progresse vers l’objectif permanent du zéro accident ». Lui aussi maintient la position d’Airbus : « après des années d’analyse, en conscience, nous ne reconnaissons pas les charges qui nous sont reprochées ». Le délégataire d’Airbus durant le procès sera Christophe CAILLE.

La présidente rappelle que la société Air France a déjà été condamnée au pénal [dans d’autres dossiers]. Quant à Airbus, elle n’a jamais eu de condamnation pénale. Elle énumère le nom de chacune des parties civiles qui a fait appel du jugement de première instance. Outre les proches et familles des victimes, les syndicats ayant fait appel sont ALTER, le SNPNC, le SNPL, la CFDT et l’UNSA. Le SPAF a fait appel uniquement à titre incident et non principal comme les autres parties civiles.

Par la suite, la présidente rappelle le déroulement des 16 dernières années, avec ses rebondissements dont l’annulation d’une 1ère contre-expertise, puis déroule le vol en faisant sienne de nombreux passages du rapport du BEA ainsi que des conclusions des experts et contre-experts, pour conclure : « Ce que l’on peut dire de cet équipage c’est qu’il s’est battu jusqu’au bout. Il a fait tout ce qu’il a pu pour récupérer cet avion. Nous ne sommes pas là pour dire un tel ou un tel a mal fait. Nous sommes là pour déterminer si au sens de la loi des fautes ont été commises. »

Le Colonel Xavier MULOT, qui était le directeur d’enquête SRGTA, déroule son enquête et sur une question d’un avocat concernant le « repêchage » des 153 corps, il précise qu’à la suite de cette enquête, et de ce dernier fait, il avait demandé à changer d’affectation.

Dans les conclusions de l’enquête, il souligne à plusieurs reprises que « concernant la formation à la situation IAS DOUTEUSE, [pour les pilotes du vol AF447] et pour l’ensemble des pilotes de la compagnie, aucune procédure s’agissant d’une formation n’avait été mise en place avant l’accident. Cela a été mis en place a posteriori ». Il insiste également fortement sur le point suivant : « [pour] la chaine de transmission des problèmes d’IAS DOUTEUSE, il y avait une perte en ligne importante, qui n’était pas rapportée à l’EASA ». En effet, sur les 18 ASRs portant sur des défauts de vitesse, seul 5 avaient été remontés dans la base de données ECCAIRS de l’EASA. L’avocate d’Air France précise que ce n’est pas le fait d’Air France qui avait transmis chacun des ASRs à la DGAC. En tout état de cause, selon le directeur d’enquête cela a empêché l’EASA d’avoir une juste conscience de la récurrence du phénomène. Il insiste également sur la « logique commerciale » qui a conduit Air France, équipant l’ensemble de ses avions avec des sondes Thalès, à faire modifier le montage pour ses A330, prévus par défaut avec des sondes Goodrich, par des sondes Thalès AA. Air Caraïbes sera également évoquée pour rappeler que la compagnie avait remplacé ses sondes Thalès AA par des sondes BA dès la survenance des 2 premiers événements durant l’été 2008. Ce remplacement fut effectif en septembre 2008.

AF447

2 Oct 2025

📆 30 septembre 2025 – Jour 2 ⚖️

La journée est consacrée à l’audition de 2 experts, dont l’un est docteur en géologie marine. Ils avaient été mandatés par la juge d’instruction chargée de l’enquête pour vérifier que les recherches océanographiques, dirigées par le BEA pour retrouver l’épave et ses débris, se déroulaient selon les règles de l’art de l’industrie.

La juge rappelle la chronologie des 5 phases qui ont eu lieu avec notamment les 3 premières phases infructueuses. La phase 4 a permis de localiser l’épave et la 5e de remonter le DFDR, le CVR ainsi que 104 corps.

Le 1er expert à intervenir souligne la « chance » (en s’excusant du terme utilisé) que l’épave soit tombée sur une surface plane couverte de sédiments, alors que le lieu de l’impact est situé à l’est de la dorsale médio-atlantique, dans une zone géologiquement extrêmement tourmentée et proche d’une chaine de volcans dont l’affleurement des roches varie entre 700 et 4000m.

Les avocats des proches et des familles des victimes remettent en question la pertinence de la conduite des recherches qui avaient initialement débuté sur une large zone, se soldant par un échec, pour ensuite se recentrer sur une zone plus restreinte proche du lieu de l’impact. Elles vont jusqu’à remettre en cause à demi-mot la volonté réelle du BEA de trouver l’épave. Il est également remis en perspective « l’effort financier » « consenti » par Air France et Airbus dont le montant divisé par le nombre de victimes, relativise la portée, surtout s’il a été pris en charge par les assurances.

L’expert réfute une éventuelle mauvaise volonté du BEA en rappelant qu’en fin de compte, « seule la victoire est belle, pour paraphraser une célèbre navigatrice », et même s’il comprend la douleur des familles liée à l’attente, il insiste sur le fait que « l’on cherchait une aiguille dans une botte de foin, sans savoir où était la botte de foin ».

Un avocat rappelle le rôle crucial de l’association Entraide et Solidarité AF447 et de sa présidente, Danièle LAMY, pour réactiver les recherches après que le BEA eut annoncé leur arrêt définitif à la fin de la 3e phase.

L’audition se poursuit avec le 2e expert qui décrit spécifiquement la 1re phase, dite de rétro dérive, qui avait consisté à déterminer une zone probable de position de l’épave en fonction de la dérive des débris flottants. Cependant, « il n’y avait pas assez de données océanographiques à l’époque sur cette zone-là » et conclut : « on connait mieux la Lune que les fonds marins ».

AF447

3 Oct 2025

📆 1er et 2 octobre 2025 – Jours 3 et 4 ⚖️

Les deux journées sont consacrées à l’audition des experts aéronautiques du 1er collège, mandaté en 2009 par la juge d’instruction Sylvia Zimmermann afin d’établir les causes de l’accident puis de savoir s’il aurait pu être évité.

Le 5ème expert du 1er rapport d’expertise étant décédé, ils sont quatre à se présenter en ce 1er octobre : trois pilotes de ligne et un ingénieur spécialisé dans la maintenance et le suivi de navigabilité, tous retraités.

• Michel BEYRIS : CDB 777 Air France à la retraite. Ancien pilote contrôleur de la DSAC. Expert auprès du Tribunal, notamment durant le procès Swiftair.
• Alain DE VALENCE : Expert judiciaire depuis 1992. Instructeur, examinateur, CDB Air France retraité en 2007, il dispose d’une qualification de maintenance PART66 en cours de validité.
• Éric BRODBECK : Pilote inspecteur ITRE à la DSAC depuis 2004, A330, A350, A380, et chef pilote d’expertise personnel navigant.
• Hubert ARNOULD : Ingénieur-conseil en sécurité aérienne. Ingénieur Essais en vol et bureau d’Études chez Airbus. Expert depuis 2003 auprès de la Cour d’Appel.

Navigabilité et criticité des pannes

M. ARNOULD explique la notion de navigabilité :

Lors de la conception d’un appareil, il est délivré un certificat de navigabilité initial. Au-delà de 5 avions, on bascule dans la navigabilité continue et de la gestion du maintien de navigabilité. C’est la Part CAMO. Elle est chargée de gérer l’aptitude au vol, et est surveillée par la compagnie aérienne. La compagnie décide d’appliquer ou non les Service Bulletin (SB). C’est la responsabilité du directeur technique. La Part 145 concerne elle l’entretien et est surveillée par l’autorité du pays.

La notion de criticité d’une panne dépend de sa dangerosité et de sa récurrence. Il existe 4 niveaux : mineur, majeur, hasardeux et catastrophique. C’est le constructeur qui définit le niveau de criticité de chaque panne. Il échange avec l’EASA. Cette criticité évolue avec le retour d’expérience.

Les parties civiles et les experts passent beaucoup de temps à débattre du niveau de classement de la panne « perte des informations de vitesse » qui était classée «seulement» en majeur.

Un classement en « hasardeux » aurait contraint, règlementairement, Airbus à agir pour atténuer le risque. A cette occasion, la position de Thalès, fabricant de la sonde AA (qui équipait alors les A330 AF) est évoquée, mais comme le rappellent les experts, celui qui est en charge du certificat de type de l’avion, c’est le constructeur et pas l’équipementier.
À ce sujet, les experts soulignent que la norme règlementaire des tubes pitots ne couvrait pas tout le domaine de vol et précisent que les constructeurs rajoutent des exigences aux équipementiers dans leurs cahiers des charges. Lors d’une passe d’armes ressort une suspicion de mélange des genres entre l’EASA et Airbus que clôt la présidente par cette formule « en théorie, c’est l’EASA qui est l’autorité de contrôle ».

1ère ordonnance d’expertise : déterminer les causes de l’accident

M. DE VALENCE décrit l’ordonnance du 15 juillet 2009 (à ce moment-là, les boites noires n’étaient pas remontées). Très rapidement, par analyse des messages ACARS, ils identifient comme problème probable le givrage simultané des 3 sondes pitots.

Ils lancent une campagne d’analyse des sondes en service, en trouvent avec des trous de drainage obstrués et valident en laboratoire que même avec ces bouchons, elles fonctionnent parfaitement. Ils suspectent également le système de réchauffage des sondes sans trouver d’éléments probants.

2e ordonnance d’expertise : l’accident aurait-il pu être évité ?

Dans le cadre de cette nouvelle mission du 4 mai 2010, les experts auditionnent les principaux acteurs. Personne n’a alors considéré qu’il y avait un risque d’accident. Ils analysent les incidents d’indications de vitesses erronées et constatent que les exemples de givrage de sondes sont nombreux, les manifestations sont différentes et les conséquences aussi.

Ils étudient 9 vols Air France et interrogent les 22 pilotes impliqués.

Le 1er constat que les experts relatent est « d’avoir été frappés » par le différentiel entre les rapports écrits et les verbatims. Les ASR ne faisaient transpirer aucune difficulté. Mais, au cours de leurs échanges, les pilotes ont reporté le fait de ne pas avoir été en mesure de faire une analyse objective de la situation et de ne pas avoir su quoi faire :
« Je ne me suis pas senti à ma place, en tant que CDB je dois savoir la procédure à appliquer, là, je suis resté sans rien faire ».

Les experts effectuent alors un sondage, duquel il ressort que les pilotes :

• Ont tous perçu les alarmes rouges.
• N’ont pas perçu toutes les alarmes ambre.
• N’ont pas détecté d’écart d’altitude.
• Ont compris pour la plupart le problème de vitesse erronée, mais sans savoir pourquoi.
• N’ont pas tenu compte de l’alarme décrochage
• Seulement 2 équipages ont appliqué la procédure IAS DOUTEUSE, et après coup.

À la question « que vous a-t-il manqué ?», la réponse a été : « Nous n’avons pas été informés, nous n’avons pas été préparés ».
Les experts en ont déduit que la procédure UNRELIABLE AIRSPEED n’était pas spécifiquement adaptée à ce que l’équipage a rencontré.
Le 2e constat que les experts font : l’information donnée aux équipages est tardive et inefficace.

Le 1er mai 2011, les enregistreurs sont récupérés. Le 30 juin 2011, ils exploitent les enregistreurs en présence de la police judiciaire.

Vol de démonstration

Un vol de démonstration avait été réalisé pour démontrer l’efficacité de la procédure UNRELIABLE AIRSPEED. Ce constat a été fait par les experts : «si vous prenez une assiette de 5°, l’avion monte, reste au second régime, puis redescend, il ne décroche pas ».
Les experts pilotes expliquent qu’à l’occasion de ce vol, ils ont pu piloter en « loi alternate » et rapportent que pour eux, il n’y a pas de difficulté de pilotage sur l’axe de tangage, mais que l’avion est beaucoup plus vif sur l’axe de roulis. C’est d’ailleurs ce qui ressort des données de vol où le PF se bat pour maintenir les ailes à plat. Le 2ème jour de leur audition, les experts sont sollicités par les avocats des parties civiles et du SNPL :

• Avocat : « Avez-vous fait une séance de simulateur avant de faire le vol ?»
• Expert : « Oui »
• Avocat : « Combien de fois avez-vous rencontré Airbus pour préparer le vol de démonstration ?»
• Expert : « Je ne me souviens plus »
• Avocat : « Est-ce qu’au moment où vous avez déconnecté le pilote automatique les ailes étaient à plat où il y avait-il des turbulences comme lors du Rio ?»
• Expert : « Nous étions à la main avant le passage en loi alternante, de jour en air calme et les ailes à plat »
• Avocat : « Dans les conditions du vol, sans turbulence, après être passé au simulateur, est-ce que… »
• Expert : « …le pilotage aurait certainement été plus délicat en roulis. »
• Avocat : « Surtout qu’on n’est pas préparé, qu’on a l’effet de surprise ?»
• Expert : « C’est évident »

Les pilotes ont-ils ressenti le « déterrent buffet » ?

Ce vol a aussi servi à expérimenter un autre phénomène : le « deterrent buffet ». (Lorsqu’on augmente l’incidence en croisière à mach élevé, on rencontre d’abord un léger buffeting, appelé « buffet onset ». Si l’incidence est encore augmentée, le buffeting devient très fort, c’est le « deterrent buffet »).
Leur objectif était de recueillir des données de vol pour les comparer avec celle du DFDR de l’A330 du Rio pour savoir s’il y avait des similarités. Ce qui n’était pas le cas. De plus, les experts tiennent à souligner que ce phénomène, qui leur était inconnu jusqu’au jour du vol de démonstration, aurait fortement été ressenti le jour du crash. Et concluent donc que les pilotes et les passagers n’ont pas pu ressentir ce phénomène extrêmement violent : « comme une Jeep qui roule sur un chemin rocailleux en Afrique ».

Retranscription de la simulation du vol AF447

Les experts diffusent une représentation en 3D de l’avion, accompagnée de la retranscription du CVR en temps réel que vous trouverez ci-dessous en lien.
L’expert conclut : « Chaque pilote est un peu perdu et n’a pas compris ce qui est en train d’arriver » et « Il a une vitesse verticale de 14600 pieds minutes [en descente]. Ça, aucun pilote ne l’avait jamais vu avant. » La retranscription intégrale du CVR est présentée à la cour. Elle figure à l’annexe 1 du rapport du BEA.

• Une reconstitution 3D similaire à celle présentée à la cour est disponible sur YouTube via le lien suivant :

Failles dans la chaîne d’analyse et de traitement des remontées ?

Michel BEYRIS présente les événements précurseurs saillants concernant le givrage des sondes pitots avec tout d’abord la TAM en 2003. Évènement typique d’un classement « majeur » du fait des blessures qui ont été occasionnées parmi les personnes à bord de l’avion. Pour lui « C’est presque un scénario comme celui de l’AF447 ».

43 incidents ont été recensés depuis 2003, 29 concernaient des sondes Thalès AA, 7 des BA et 3 Goodrich. 18 ont été reportés ou traités après l’accident. « Cela veut dire que quelque part, le reporting a été défaillant, notamment de la part d’exploitants étrangers ».

« Aucun des vols Air France n’a fait l’objet d’une étude approfondie de la part de la SV à Air France. Les ASR ont circulé dans la compagnie. La dangerosité n’est pas apparue. Pour nous, c’est une donnée importante. Aucun ASR n’a dit « on a eu peur ». Le ressentiment humain n’est pas transmis. »

« Pour autant, le vol [TNR-CDG, perte des informations de vitesse, message MAYDAY] du 16 août 2008 aurait motivé une étude de sécurité ce qui n’a pas été fait.

La note INFO OSV se contente de mentionner le terme de vigilance et ne fournit aucune indication sur la ou les procédures à appliquer. »

« Les ASR ont été transmis à la DSAC (13) et transcris dans la base de données ECCAIRS, aucun n’a été retenu pour analyse par la DSAC. Parmi les ASR transmis au BEA, aucun n’a été retenu pour analyse. Tous ont été traités et analysés par le constructeur Airbus, qui les a classés en occurrences reportables (ISRO).
Le BEA est informé de tous les accidents pour lesquels il est compétent et mène des enquêtes de sécurité.
Le BEA a considéré que les incidents d’indications de vitesses erronées ne constituaient pas « un risque immédiat tel qu’un accident aurait pu se produire ».
Les événements de vitesses erronées n’ont pas été ciblés et n’ont pas fait l’objet d’un suivi spécifique. »

L’expert montre que la séparation entre Air France gérée par la DSAC/NO et les compagnies régionales gérées par la DSAC nord, a conduit à une absence de transfert de l’information des événements entre Air France et les autres compagnies concernées (Air Caraïbes et XL Airways). Il évoque également le système de classement des événements interne à Airbus. Et ce n’est qu’en mars 2009 que Thalès fourni des informations aux exploitants pour indiquer que les sondes BA étaient meilleures que les sondes AA pour contrer les effets du givrage.

Le classement de la procédure STALL « en procédure anormale complémentaire » la sortait des memory items. Cela impliquait en théorie qu’un pilote devait sortir la doc pour appliquer cette procédure. Mais pour l’expert c’est plus une coquille qu’autre chose car il n’imagine pas une seconde un instructeur expliquer à un stagiaire qu’il faut sortir la doc pour sortir du décrochage. Pour lui, si une analyse de sécurité avait été faite, cette procédure aurait sans doute été caractérisée comme un MEMORY ITEM comme l’avait demandé le CHSCT bien avant l’accident de l’AF447 …malheureusement demande non suivie par notre compagnie.

Figure 3 Procédure STALL alors classée en « procédures anormales complémentaires »

Formation

La présidente déroule les cursus de chaque pilote, qualification A320, CCQ, séance de simulateur « IAS DOUTEUSE » [à basse altitude].

La révolution en termes de formation après l’accident est évoquée : passage au FCOM, UPRT.

La présidente demande s’il y avait une formation spécifique au pilotage à 2 OPL et au management pour les OPL.

Lorsque M. ARNOULD souligne que le CDB n’a pas effectué le briefing avant de prendre son repos, il est repris par la présidente : «il est resté présent [pour écouter le briefing effectué par l’OPL] ».

Elle se fait d’ailleurs confirmer par les experts qu’une compagnie a la possibilité de rajouter des formations non prévues règlementairement si elle le juge nécessaire et revient sur le message MAYDAY qu’avait effectué un équipage lors du vol TNR-CDG du 16 août 2008 suite à une panne de sondes. Elle se fait préciser qu’un MAYDAY correspond à une situation de détresse en indiquant « donc c’était une situation de détresse, ce n’est pas rien ». La défense d’Airbus manifeste bruyamment sa désapprobation et se fait rappeler à l’ordre par la présidente. Le lendemain, cette dernière ouvre la séance en revenant sur la réaction d’Airbus de la veille en indiquant qu’elle tient à la sérénité des débats.

Intervention des représentants pilote :

  • SPAF : « Quel est le premier sens que l’on perd sous situation de stress ?»
  • Expert : « Si je me rappelle, c’est l’audition, les alarmes [sonores] au profit du canal visuel »
  • SPAF : « [Cela] a-t-il [été] transmis et enseigné aux pilotes de l’équipage ?»
  • Expert : « À ce niveau de détail, je ne peux pas répondre. Cela dépend du contenu CRM. Et vous ?»
  • SPAF : « après l’accident oui, avant, je n’en ai pas souvenir »
  • SPAF : « on a parlé de l’alarme stall en deçà de 60kt, est-ce que les pilotes étaient sensibilisés sur ce point ?»
  • Expert : « Personnellement, je n’étais pas au courant de cette particularité ».
  • ALTER : « Je suis né en 1975 et je suis rentré à Air France 2001. Pierre-Cédric BONIN est né en 1976 et est rentré à Air France en 2003. David ROBERT est né en 1971 et est rentré à Air France en 1998. Je suis de la génération de Pierre-Cédric BONIN et David ROBERT. [..]

Madame la présidente, vous avez mentionné la différence entre formation, initiale, récurrente, ou maintien de compétence.

Les copilotes ont eu à faire face successivement à 3 situations :
• La 1ère, la perte des informations de vitesse
• La 2ème, l’approche du décrochage, le fameux « stall 1 », avec la première alarme STALL
• La 3ème, le décrochage réel, voire même de décrochage profond

Pour mettre en perspective ces notions de formation initiale et de maintien de compétence, je souhaiterais poser quelques questions simples en faisant le parallèle avec la panne moteur au décollage. La panne moteur au décollage, c’est le fait de ne plus avoir de poussée sur l’un des 2 moteurs durant la phase de décollage.

Pourriez-vous donner l’ordre de grandeur du nombre de fois que rencontrent la situation de panne moteur au décollage des pilotes de la génération des copilotes de l’AF447 ou de la décennie précédente durant leur carrière ?»

  • L’expert : «je dirais 0 ou 1, mais au simulateur tous les 6 mois. Personnellement, je n’ai jamais eu de panne moteur au décollage ».
  • ALTER : « Vous venez de répondre également à ma 2e question qui était : combien de fois par an, les pilotes sont-ils entrainés à faire face à une panne moteur au décollage ?»
  • L’expert : « tous les 6 mois »
  • ALTER : « Combien de fois par an, un pilote était-il entrainé à la perte d’information de vitesse à haute altitude ?»
  • L’expert : « tous les 3 ans »
  • ALTER : « Combien de fois par an, un pilote était-il entrainé à l’approche du décrochage à haute altitude ?»
  • L’expert : «0. Ce n’était pas prévu ».
  • ALTER : « Combien de fois par an, un pilote était-il entrainé au décrochage à haute altitude ?»
  • L’expert : « En vrai, ce n’est pas possible. Au simulateur 0. Ce n’était pas prévu ».
  • ALTER : « Hier il a été mentionné que : depuis tout petit, on apprend à rendre la main lorsqu’on approche du décrochage. Savez-vous que les pilotes de la génération de Pierre-Cédric BONIN et David ROBERT et de la décennie précédente qui effectuaient leur formation initiale dans des écoles professionnelles françaises ou à l’ENAC apprenaient une procédure qui s’intitule « approche du décrochage avec perte minimum d’altitude ? »
  • L’expert : « Non je ne savais pas, je suis d’une génération d’avant »
  • ALTER : « À l’intitulé de la procédure, pourriez-vous décrire quelles sont les actions qui doivent correspondre à cette procédure ? »
  • L’expert : « Bloquer l’assiette et appliquer pleine poussée ?»
  • ALTER : « C’est exactement cela : bloquer l’assiette et appliquer pleine poussée et cela ne correspond pas à rendre la main, c’est-à-dire diminuer l’assiette. »