C’est au tour du 2ᵉ collège d’experts, dit de la « contre-expertise », d’être auditionné.

Ils sont accompagnés de M. BEYRIS et M. DE VALENCE du 1er collège afin de permettre un débat contradictoire.

Avant leur intervention formelle, la présidente demande aux deux collèges de commenter les diapositives présentées la veille par M. LAYRISSE, sur demande d’Airbus.

Les deux collèges remettent en cause certaines diapositives.

Du fait de l’allongement des présentations du 2ᵉ collège, il ne sera pas possible de revenir par questionnement sur ces différences d’interprétations.


Gilles LE BARZIC

M. LE BARZIC est entré dans l’armée de l’air en 1970.

Il a été pilote de chasse pendant 10 ans, puis pilote d’essai pendant 25 ans à la DGA.

Parmi les missions confiées au 2ᵉ collège, il indique qu’il y avait l’analyse du suivi ou non par le PF des barres de FD.

À l’aide d’un graphique où sont superposées des courbes représentant les ordres en tangage du FD et les actions du PF, il en déduit qu’il n’y a pas de corrélation.

Il précisera en fin de journée qu’il a eu accès à la vidéo d’Airbus reconstituant l’apparition et la disparition des barres de FD,

mais que, pour lui, cela ne change en rien ses conclusions.


La certification CS25 oblige à ce qu’un avion soit conçu avec une stabilité longitudinale statique (SLS) positive.

C’est-à-dire que lorsqu’on s’approche du décrochage et qu’on relâche le manche, naturellement, l’avion doit piquer du nez.

Les avions Airbus sont les seuls à ne pas respecter ce critère réglementaire.

Ils ont une SLS neutre : lorsque le pilote ne fait rien sur le manche, l’avion ne fait rien non plus, ce qui empêche l’avion de sortir de lui-même du décrochage.

Airbus a malgré tout réussi à faire certifier ses types d’avions grâce à deux conditions spéciales, dont la protection du décrochage en loi normale.

Il sous-entend que, si problème de conception il y a, ce n’est pas la faute du concepteur “qui propose”, mais du certificateur “qui accepte”.


Jean-Yves GRAU

M. GRAU est spécialiste en facteurs humains.

Il a débuté comme médecin de l’armée de l’air, puis a poursuivi comme chercheur dans un centre de médecine aéronautique spatiale, en ergonomie cognitive.

Il revient sur la chronologie du vol et remet en cause le commandant :

(choix d’aller se reposer lors du passage du FIT, OPL en place droite délaissé).

De la même façon, il critique l’absence de communication verbale systématique entre les deux OPL lorsqu’ils se sont retrouvés seuls au poste.

Lors de la déconnexion de l’AP,

« L’équipage n’annonce pas la panne, mais réagit de façon coordonnée. »

Il décrit, sous forme de listes très exhaustives, tous les manquements qu’il a constatés concernant le déroulement de l’événement — à tel point qu’avant la fin de sa présentation, la présidente le coupe pour lui expliquer qu’elle n’a rien compris.

Il résume alors :

« Ils ont fait n’importe quoi parce que la situation était complexe.

C’est toute la problématique de la formation. »


Débat contradictoire

M. DE VALENCE :

« Personne n’avait mis un scénario aussi complexe pour la formation.

L’ergonomie, ce n’est pas aussi simple que cela en a l’air.

Cinq alarmes en dix secondes : il faut être capable de les analyser et de les traiter.

Je reconnais qu’il est assez simple de dire “trajectoire”.

C’est de la théorie.

Lorsque vous êtes face à une telle situation et que tout vous saute à la figure,

on peut comprendre qu’il peut y avoir des réactions inattendues.

Ils se sont retrouvés face à une somme d’informations à traiter — et je parle en pilote de ligne —

qui dépassait ce qu’ils pouvaient faire. »

M. BEYRIS :

« Si la formation ne peut pas tout couvrir, est-ce qu’on pouvait diminuer l’impact de la panne ?

La compagnie aérienne et le constructeur pouvaient s’inspirer d’une dangerosité qu’ils n’avaient finalement pas correctement appréhendée.

Ils pouvaient former, mais surtout informer mieux. »


Finalement, M. BEYRIS résume certains concepts de facteurs humains qui sont désormais enseignés,

mais qui n’étaient pas appréhendés en formation au moment de l’événement, tels que :