Il est prévu ce jour d’auditionner une OPL ayant vécu un événement de perte d’information de vitesse pendant quelques secondes. Cependant, cette personne ne se présentera pas à l’audience. Cette dernière est donc intégralement consacrée à une présentation effectuée par les 2 représentants du SNPL suivie d’une courte intervention du représentant d’ALTER.


SNPL

Les deux représentants du SNPL se présentent : l’un était instructeur référent au moment des faits puis est devenu enquêteur accident formé au BEA. L’autre était instructeur sur A320 en 2009 et est actuellement instructeur sur B777. Ils indiquent qu’ils vont présenter de courtes vidéos en indiquant “ce n’est pas une suite de chiffres, ce n’est pas une suite de courbes, c’est ce qu’il se passe dans le cockpit. Nous présentons des interprétations avec humilité et honnêteté intellectuelle. On a été sélectionné [à Air France] pour cela. Et nous sommes observés sur ces valeurs.”

Ils rappellent les conséquences syndicales à la suite de l’accident avec la mise en place d’une commission paritaire pour le retour d’expérience. Ils reviennent sur plusieurs affirmations provenant d’experts « pilotes kamikazes, pilotes qui auraient voulu monter au-dessus des orages » pour rappeler ce qui pour tout pilote d’Air France est juste une évidence : on a un radar, on ne va pas dans un orage et on ne contourne jamais un CB par le dessus. Toujours concernant les experts, ils expliquent la différence d’appréciation que peut avoir par exemple un pilote d’essai par rapport à un pilote de ligne qui est lui confronté à la diversité de l’exploitation.

La notion de geste est évoquée sous deux aspects. Le 1er concerne le plein débattement en roulis qui peut amener à tirer sur le manche et serait de nature à expliquer les premiers ordres à cabrer du PF (point réfuté par M. CAIL d’AIRBUS pour indiquer qu’AIRBUS n’a aucun retour de la part des compagnies dans le monde entier et qui pour sa part rappelle la nécessité d’avoir un siège et un accoudoir correctement réglés). Le 2nd geste concerne la manœuvre de sortie du décrochage enseignée en école de début, à savoir bloquer le manche et appliquer pleine poussée. Ce point déjà évoqué par ALTER en début de procès est conforté par les représentants du SNPL, témoignant de leur propre cursus dans les centres SFACT/SEFA.

Ils réfutent les arguments qui avaient été avancés précédemment par M. LARDET d’AIRBUS qui avait indiqué qu’il s’agissait d’une demande “nord-américaine”. Pour le SNPL il s’agissait purement et simplement d’une demande d’Air France auprès des écoles de formation. Ce débat fait l’objet d’un échange par la suite entre AIRBUS et le SNPL. Il est repris par le représentant d’ALTER lors de son intervention pour indiquer que peu importe de savoir l’origine de la demande et surtout si le changement de doctrine est lié à l’AF447 ou à d’autres accidents aéronautiques, il n’en demeure pas moins qu’à l’école, nous apprenions à bloquer l’assiette et à pousser sur le manche et qu’ensuite, à Air France, ni le filtre de la formation, ni le filtre du maintien des compétences n’a fait modifier ce geste pour la simple et bonne raison qu’il n’était pas révisé. Le SNPL conclut ce point par “un bon pilote c’est un pilote bien entraîné. On n’est pas là pour inventer”.

Toujours sur la sortie du décrochage et plus spécifiquement sur l’alarme STALL, il indique “lorsqu’il y a une enquête technique et qu’il y a des recommandations, c’est qu’il y a un sujet. Sur l’alarme STALL, il n’y a pas eu une, ni deux, ni trois, mais quatre recommandations [dans le rapport du BEA]”.

Sur le remplacement des sondes par Air France, il indique “on a retrouvé une émission [télévisée] où Éric SCHRAMM [en charge du projet “Trajectoire” créé à la suite de l’accident et qui deviendra par la suite DG.OA] dit pudiquement [que le remplacement des sondes] a réglé le problème”. La présidente en profite pour rappeler l’injonction de l’association Entraide et Solidarité AF447 à produire le détail des incidents des sondes pitots depuis le rétrofit.

Le modèle bow-tie est présenté pour expliquer le concept des barrières de prévention et de récupération (mitigation). Il est utilisé pour introduire la séquence givrage -> perte des infos de vitesse -> alarme stall -> perte de contrôle en vol (LOC-I). Les plaques en place étaient soit peu efficaces par manque d’entraînement (procédure IAS DOUTEUSE) soit inexistante (procédure Stall Recovery). Cela permet de faire ressortir l’impossibilité de passer de 10-5 (classement majeur) à 10-9 pour la perte de contrôle en vol, événement catastrophique, selon les normes d’analyse du risque dans l’industrie aéronautique.

Les représentants du SNPL terminent leur présentation par des extractions vidéo issues du BEA dans lesquelles ils ont entouré les points remarquables à observer pour expliquer les actions du PF et notamment le suivi des directeurs de vols ou encore le déroulement du TRIM au moment du deep stall.


ALTER

ALTER débute son intervention en indiquant que le SNPL a convoqué une valeur cardinale de l’instruction à Air France : l’humilité et qu’il souhaite en convoquer une 2ème : l’empathie. Il enchaîne : “depuis le début de ce procès en appel, je ne comprends pas que l’on ne puisse pas comprendre que les pilotes ne pouvaient pas comprendre. Il manque une personne dans ces auditions, c’est l’empathie : il faut se mettre à la place des pilotes”. Il poursuit sur un rappel de phénomènes désormais enseignés dans les cours de facteurs humains et auxquels ont été confrontés les collègues de l’AF447 : surcharge informationnelle notamment liée aux changements d’affichage du PFD (au nombre de 33 en 5 secondes comme l’avait expliqué M. LAYRISSE l’avant-veille). Ceci entraîne une surcharge cognitive, sans doute un boost d’adrénaline, une tunnellisation attentionnelle (perte de l’ouïe, rétrécissement du champ visuel qui passe en “mode laser” de la taille d’une pièce de monnaie au niveau du PFD empêchant la lecture du FMA et pour terminer, l’effet de persévération une fois établi dans le deep stall.

Il conclut ainsi : “Madame la présidente, vous avez dit le 1er jour des audiences « on n’est pas là pour juger qui a bien fait ou mal fait. On est là pour établir des responsabilités ». On se concentre beaucoup sur la réaction des pilotes. Quid des actions des services aux sols ?

En 90 secondes, les pilotes n’ont pas compris et n’ont pas su trouver la solution à un problème qu’Air France n’avait pas identifié comme dangereux et n’avait pas corrigé pendant les 9 mois suivants sa première apparition en 2008.

En 90 secondes, les pilotes n’ont pas compris et n’ont pas su trouver la solution à un problème pour lequel Airbus n’avait pas identifié correctement la criticité et n’avait pas atténué les conséquences possibles durant les 6 années précédentes (incident de la TAM en 2003).

Pour comprendre, il faut questionner les protagonistes :