100 jours – État de grâce

Laurent Lafontan est DGOA depuis 100 jours. Comme en politique, ces 100 premiers jours où il bénéficie d’un état de grâce (légitimité, soutien, confiance, popularité…) nous disent beaucoup des orientations qu’il envisage pour les opérations aériennes. Sans verser dans la béatitude, disons d’emblée qu’ALTER dresse un bilan plutôt positif de ces 100 jours.

Autorité

Laurent Lafontan a rapidement fait preuve d’autorité pour affirmer plusieurs principes essentiels à notre Sécurité des Vols, à la bonne conduite des opérations :

Il n’a pas attendu les atermoiements d’un service sûreté défaillant pour imposer des mesures conservatoires face au conflit en cours au Moyen-Orient : extension de la zone d’exclusion de survol autour de la FIR Sinaï fermée, modification immédiate des routes des vols concernés lors du premier jour des frappes aériennes israéliennes sur l’Iran…

En matière de responsabilité du Commandant de bord, Laurent Lafontan a fait annuler le mémo PNC concernant l’usage des téléphones à bord et reconnait la nullité de la restriction d’usage du JPS porte 1G des 777 équipés de cabine La Première (mail envoyé aux PNC début juin). Plus généralement, il a mis en place un rendez-vous bimensuel avec son homologue de DGIS (DGOA des PNC), pour s’assurer, comme ALTER le lui a demandé, qu’aucun mémo PNC ne contrevienne à l’autorité des CDB. Quoi qu’il arrive, nous avons rappelé que si une décision d’une quelconque direction impacte ces prérogatives, un mémo PNT est indispensable (la consultation des mémos PNC reste très facultative), ne serait-ce que pour le CRM équipage qui nécessite un même niveau d’information et des procédures communes.

Écoute

Laurent Lafontan a fait preuve d’ouverture d’esprit et de sens de l’écoute quand nous lui avons demandé d’étudier nos propositions concernant la gestion des plannings et des congés. Sans entrer dans le détail, nous proposons d’élaborer conjointement des indicateurs de qualité de planning (rotations, week-ends libres, réserves) afin que sur 12 mois glissants chaque pilote puisse constater l’écart avec la moyenne. Pour les congés, il s’agit de sortir du système mis en place à l’époque des demandes par formulaire papier et d’utiliser la vitesse de traitement informatique des demandes afin de créer plusieurs périodes de campagne (chacune avec les quotas restants) et ainsi minimiser l’utilisation de la bourse d’échange congés qui présente l’inconvénient d’un départage injuste (premier arrivé, y compris pour poser un reliquat, premier servi).

Vigilance

Laurent Lafontan s’est engagé à suivre à brève échéance les temps de vol lorsque la route sort de celle prise comme référence sur l’année N-1. Concrètement, s’il constate le besoin d’un renfort équipage du fait du détour, il n’attendra pas, comme son prédécesseur, l’année N+1 pour adapter les compositions d’équipage.

Dans la même veine de préservation de la fatigue et de respect des conditions de renforcement d’un équipage, Laurent Lafontan convient que toute anomalie prévue avant l’engagement du TSV entre dans la case « règle de programmation ». Pour mémoire, nous avons connu des situations où sur un Cayenne CDG, l’étape supplémentaire à PTP pour refueller, prévue de longue date (grève à Cayenne), était gérée dans le cadre des règles de réalisation.

Laurent Lafontan a parfaitement conscience du fait que c’est sa direction qui a et aura à gérer les effets d’un management toxique chez Transavia. Un cadre/chef pilote a déjà envoyé un dossier pour que la DGOA prononce une sanction, sans que celle-ci ait les textes de références censés avoir été enfreints !

La même chose peut se dérouler dans le traitement professionnel (Conseil d’Aptitude Professionnelle) avec une instruction du cas par une DGOA qui ne maitrise pas le Manex D de Transavia (nous lui avons suggéré de les faire converger, ce serait un bon début).

Enfin, Laurent Lafontan a pris la seule décision possible concernant les cadets en formation à Angoulême : les transférer à l’ENAC, dans une école aux avions en état, soucieuse de former correctement nos futurs collègues dans des délais convenables, sans les travers de la discipline militaire instaurée par l’école d’Airbus (qui, de toutes façons, avait décidé de longue date de privilégier à l’avenir la formation des futurs pilotes militaires de l’A400M).

Transparence

Benjamin Smith est passé maitre dans l’art de la communication. Plus aucun écrit, juste des visios où il flatte l’égo de chaque salarié. Mais pendant ce temps-là, aucune annonce de flotte, de stratégie concrète. Celui ou celle qui réussira à faire ressortir une information importante d’une visio de Benjamin Smith est invité à nous en faire part. Cette situation ne peut plus durer. Nous avons demandé à Laurent Lafontan qu’il assume ce rôle initialement dévolu à Benjamin Smith : nous éclairer sur l’avenir des différents secteurs (commandes, fin de secteur…). Ces informations sont essentielles pour les pilotes et la gestion de leur carrière : Que va devenir le moyen-courrier, en particulier le secteur A320 (Benjamin Smith nous a promis des annonces en… janvier 2024 !), comment seront ventilées les commandes commune AF-KLM des A350, quel avenir pour le B787… ?

Formation

Laurent Lafontan se démarque de son prédécesseur sur un point essentiel. Il nous assure prendre le sujet des VSS (violences sexistes et sexuelles) très au sérieux, et il agit :

Il s’est engagé à communiquer sur les chiffres relatifs aux signalements, en profitant pour objectiver le nombre de dénonciations calomnieuses (aucune constatée ces trois dernières années), le nombre de signalements n’ayant pas permis de caractériser un VSS (ce qui ne veut pas dire dénonciation calomnieuse), et le nombre de signalements ayant donné lieu à caractérisation des faits (avec ou sans sanction à la clé).

Il a mis en place une formation VSS (en présentiel) obligatoire pour tous les cadres pilotes (une demi-journée consacrée à la connaissance nécessaire de ce que sont les VSS et une autre demi-journée consacrée au traitement managérial des VSS). La demi-journée de formation aux connaissances VSS sera également dispensée lors de tout stage d’embauche, de QT, de passage CDB, de passage TRI. Ce qui a été promis par la direction depuis 3 ans, Laurent Lafontan le met en oeuvre.

La perte de deux journées de standardisation instructeur pour raisons financières a eu comme effet, en particulier, de supprimer la présentation des déroulés et objectifs des exercices des ECP aux instructeurs. À la demande de Laurent Lafontan, le CFI (chef instructeur toutes flottes) s’est engagé à communiquer clairement sur ces déroulés et les objectifs pédagogiques avant chaque saison d’instruction.

Enfin, Laurent Lafontan veut sortir l’évaluation professionnelle des pilotes de la sphère de la division de vol et la rattacher à la DFE, séparant ainsi le suivi du niveau pro du lien hiérarchique.

ALTER milite pour que l’exercice du métier de pilote se fasse dans des conditions sereines. Cela inclut la Sécurité des Vols, la sûreté, la confiance dans les services supports, la qualité de vie au travail, des référentiels clairs pour toutes et tous. Beaucoup de ces sujets ne sont pas du ressort strict de la négociation, ils nécessitent une réelle volonté du DGOA de procéder à leur amélioration. ALTER souhaite que les mois et années à venir se poursuivent avec les mêmes intentions de la part de Laurent Lafontan.

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