Transavia – Enfin du changement

Depuis sa création, les directeurs et cadres pilotes de Transavia ont défendu bec et ongles un particularisme : agilité et adaptation, contre, quoiqu’il arrive, la technostructure en vigueur à Air France. Avec le temps et la croissance, l’industrialisation devenait indispensable et il semblerait que les bonnes pratiques venues d’Air France ne soient plus taboues.

La RMS devient CAE/CAS

On aurait pu croire qu’Air France était la championne du monde des acronymes, mais Transavia se porte bien aussi de ce côté-là. La RMS, c’était la « Revue Mensuelle de Sécurité ». À partir du mois de juillet, elle va être remplacée par 2 réunions : un Comité d’Analyse des Evénements (CAE) d’un côté et un Comité d’Analyse Systémique (CAS) de l’autre. Il est à noter que l’avenant 15 de l’accord de groupe dit « Protocole Sécurité des vols 2022 » prévoyait dès… 2022 cette mise en place.

Cet écart a été relevé en octobre dernier lors d’une réunion de suivi du protocole. L’argument de Transavia était qu’il fallait absolument rester sous le régime de la RMS pour une meilleure « optimisation ». Cette position de Transavia était défendue contre l’avis des organisations syndicales.

9 mois plus tard : changement de paradigme : Transavia reconnait avoir du mal à avancer sur le « systémique », que les préconisations sont rarement suivies d’effet, en particulier faute de suivi.

ALTER reconnait à Transavia d’avoir fait amende honorable au bout de 3 ans, et souscrit à ce changement qui devrait aller dans le sens d’une meilleure étude des défauts systémiques identifiés, que cela soit au niveau de la formation ou de l’exploitation, et surtout d’un meilleur suivi des préconisations qui pourront être faites.

Tout n’est pas néanmoins gagné, l’exemple d’Air France étant là pour nous rappeler qu’une décision ou préconisation se heurte souvent aux plaques « frein » de chaque service concerné.

La SV est notre bien commun à tous, nous devons oeuvrer, sans esprit de chapelle, à ce seul objectif : la préserver et l’améliorer

ree

Audit pour la formation : une nécessaire remise en cause

ALTER a eu de nombreuses occasions de remettre en cause la formation chez Transavia ; si l’on devait résumer notre position, disons que l’organisation relève de l’amateurisme, que la méthode et les objectifs ne sont pas standardisés, pour un résultat qui n’est pas au service des stagiaires. Une remise en cause est nécessaire.

Transavia vient d’annoncer la mise en place d’un audit sur la formation.

Le mantra de la formation de l’ATO d’Air France, dont dépend Transavia, est : « il faut mettre le stagiaire en situation favorable d’apprentissage ».

L’audit en cours devra donc se pencher (liste non exhaustive) sur l’enchainement des séances (chez Air France, tout cela est cadré par accord), la robustesse du planning d’instruction (l’agilité vantée chez Transavia trouve ses limites quand elle impacte un ou des stagiaires), les conditions de travail des instructeurs (toujours pas de protocole instructeur chez Transavia, en particulier en ce qui concerne la prise en compte du travail personnel de préparation et de notation), la standardisation du message d’instruction (si c’est bien la direction d’Air France qui porte la responsabilité du niveau pro des pilotes, pourquoi le Manex D de Transavia se démarque-t-il de celui d’Air France ?), les outils pédagogiques à disposition des instructeurs, restés à l’âge de pierre quand ceux d’Air France ont su évoluer positivement.

L’ATO d’Air France affiche une règle : « Train as you fly, fly as you train ».

Outre l’absence d’affiche dans les salles de briefing, l’audit devra se pencher sur des exercices (au simulateur) d’approches interdites en ligne (approche avec OPL PF sur un terrain pour lequel l’OMC impose CDB PF), leur objectif pédagogique et l’adéquation de ce type d’instruction avec la philosophie de l’ATO de rattachement (celui d’AF).

Comment enseigner à un CDB qu’il doit être exemplaire vis-à-vis de son équipage, comment enseigner à un instructeur qu’il doit être exemplaire vis-à-vis de ses stagiaires pilotes dans ces conditions ?

Le pôle formation devrait avoir dans son logiciel le concept de conformité.

L’addition des bonnes volontés ne permet plus, depuis longtemps, de faire passer la formation dans de bonnes conditions. Il faut une nouvelle organisation, des processus industrialisés, robustes, avec une philosophie basée sur la prise de marge pour ne pas aller taper dans les réserves de chacun.

Sans cela, à la fin, c’est le stagiaire pilote qui trinque, parfois avec des conséquences très lourdes sur sa carrière.

Renouvellement des chefs pilotes

En 2009, quelques mois après le tragique accident de l’AF 447, ALTER avait identifié des manquements dans les prises de responsabilité de beaucoup de cadres pilotes. Nous avions identifié la déconnexion de ces cadres avec l’essence du métier, pollués qu’ils étaient par des objectifs de carrière. Nous avions fortement suggéré la limitation dans le temps d’un mandat de cadre avant retour à la ligne pure.

Chez Transavia, certains cadres sont en poste, au même poste, depuis 15 ans. Mais, fait notable, depuis quelques mois, nous observons un très fort renouvellement. Qu’ils aient été remerciés ou qu’ils aient pris seuls la décision de passer la main, ils reviennent à la ligne pure et, osons l’espérer, laissent l’opportunité à de nouveaux cadres d’apporter leur volonté de s’impliquer au service de la Sécurité des Vols et des pilotes.

Le renouvellement des idées et des conceptions sur l’organisation et nos opérations est salutaire.

ALTER restera vigilant sur les faits, en particulier l’absence de mauvaises raisons d’occuper ces postes, ou de toute pollution des esprits de ces nouveaux cadres qui les positionnerait en managers toxiques.

Que cela soit chez Transavia ou Air France, il y a du bon, du moins bon, et de l’obsolète. Avec de la volonté, du dialogue et l’acceptation d’une remise en cause, il est possible d’atteindre le nécessaire objectif d’amélioration, dans l’une et l’autre de nos deux compagnies. ALTER reste proactif et volontaire sur ces sujets.

ree

Lecture en cours :

Transavia – Enfin du changement