Vous vous y retrouvez, vous, dans tous nos accords ? Ce n’est simple pour personne, qu’il s’agisse de vos représentants syndicaux et même, parfois, de nos directeurs des ressources humaines ou des services (paie, planning, etc.). Pourquoi et comment en est-on arrivé là, quelles solutions trouver ?
L’usine à gaz !
« À compter du 1er septembre 2023, le coefficient de l’article 1 du chapitre 9 de l’accord catégoriel pilote du 22 février 2019 est porté à 0,25 ». Accord mesures pilotes visant à accompagner la croissance du 15/07/2023.
« Une prime de commandement est créée au bénéfice des pilotes Commandants de bord Air France. Il est ajouté un article 7.4 au chapitre 6 “rémunération” de la convention d’entreprise ainsi révisée, qui est rédigée comme suit :… » Accord catégoriel pilote du 22/02/2019.
Cet exemple, sur la rémunération, illustre bien cette volonté de complexifier nos accords.
S’ajoute un point de droit : le ou les signataires de la convention collective n’ont pas leur mot à dire sur le suivi de celle-ci concernant l’application et la mise en œuvre de cette prime, pourtant désormais inscrite dans la convention. Les plus anciens se souviennent qu’il a fallu 2 ans de bataille des délégués du personnel d’ALTER pour que la DRH centrale cesse de décompter une garantie de 2,5 HC pour les activités sols programmées sur une demi-journée (l’accord Trust Together était pourtant clair : 5HC garanties par journées d’engagement). Si le SNPL a fait inscrire noir sur blanc que nous étions dans le vrai lors de la négociation de l’accord de 2019, cet exemple illustre bien qu’en plus des difficultés à s’y retrouver dans notre mille-feuille, le respect strict de l’esprit des accords, discutable en comité de suivi, revêt une importance cruciale.

Les origines
La légende prétend que le but d’accords à tiroir avec un nombre incalculable de coefficients vise à ne pas nous faire jalouser par les autres catégories de personnel. Outre que ce ne devrait être que le problème de la direction, il est illusoire de croire que les autres organisations professionnelles soient dupes : pour faire adopter un accord, le signataire publie systématiquement plusieurs tracts de victoire indiquant un chiffre d’augmentation.
Un exemple avec le tract SNPL du 5 février 2019 : « C’est donc 8,5 % (1,02 x 1,02 x 1,043) d’augmentation globale pour nous, pilotes Air France. »
Qu’on soit d’accord ou non avec le chiffre (qui est souvent gonflé pour vendre un accord et les concessions faites), les autres catégories de personnel savent lire et il est illusoire de croire qu’ils sont perdus par nos tambouilles d’ajustement de coefficients.
Sauf à croire que tous les bureaux syndicaux signataires d’accords pilotes se bercent d’illusions dans une volonté de cacher aux autres ce qu’ils se glorifient d’obtenir pour les pilotes, il faut chercher une autre raison à la complexité de nos accords.
Côté direction, mêler choux et carottes dans un même accord permet de faire passer ses revendications en échange des concessions qu’elle fait. Côté syndical, c’est plus flou. Acceptation tacite des négociations globales et voulues équilibrées par la direction,volonté de cacher les concessions derrière une mesure vendue favorable, ou besoin de s’approprier une connaissance (des accords) pour devenir indispensable à la corporation ? Probablement un peu des trois.
Il n’empêche qu’au final, pour un pilote 100 %, il n’existe pas d’autres choix que de faire confiance et/ou de s’en remettre aux sachants (qu’il faut bien remercier le jour venu par son vote).
Complexité et non-respect
Volontairement ou non, certains services n’appliquent pas les accords et, sans l’expertise des représentants de proximité, difficile de détecter la spoliation.
Prenons l’exemple de la rémunération des femmes pilotes déclarant une grossesse :
L’accord égalité femme-homme entré en vigueur au 1er janvier 2025 (et toujours pas publié sur Skylib !) précise dans son article 6.1.1 « Rémunération des femmes enceintes durant la période précédant le congé maternité » indique : « Ces éléments sont précisés dans le livret parentalité personnel sol Personnel navigant commercial et pilotes. » Ce livret précise : « le pilote occupant un poste sol percevra un salaire calculé conformément au chapitre 3 de l’accord portant sur le réseau domestique signé le 24 mai 2024 ». Enfin (vous arrivez toujours à suivre ?), ce fameux chapitre 3 détaille les modalités de calcul de la moyenne secteur.
Plusieurs renvois pour arriver à déterminer quelle rémunération une femme pilote devra percevoir en cas de reclassement au sol pendant sa grossesse, et finalement s’apercevoir que le service paie n’applique pas cette rémunération !
Quelles solutions ?
Le plus efficace, mais pas le plus simple (et surtout chronophage), serait de mener une négociation globale pour réintégrer l’ensemble des accords dans la convention d’entreprise du PNT. Le chapitre 4 : « conditions de travail par périodes » continue de nous renvoyer vers les accords : « Les conditions de travail par périodes sont définies par accord. La mise en œuvre de celles-ci est autorisée conformément aux dispositions prévues par le CAC. ».
Ce que devrait faire la direction : publier et mettre à jour les accords en version consolidée, comme pour l’accord de Groupe qui régit les pilotes de Transavia France.

Ce qu’ALTER a fait pour ses adhérents :
Une convention consolidée reprenant tous les avenants et pas moins de 12 modifications introduites par 6 accords distincts ;
Un fichier paie qui reprend l’ensemble des éléments de rémunération de nos activités, avec des exemples ;
Des mises à jour régulières ;
Un travail sur l’ensemble des accords pour, à terme, consolider tous nos accords dans un Manex S (social).
Un accord clair protège. Un accord obscur fragilise.
Ne nous laissons pas enfermer dans ce mille-feuille opaque. Chaque renvoi, chaque clause confuse affaiblit nos droits et ouvre la porte aux dérives.