Transavia vient d’annoncer son programme sur la Navette, déjà en repli de 25 à 30 % par rapport à l’offre Air France. La voie libérée à la concurrence s’ajoute aux renoncements passés (transversales, Brest, Perpignan, Pau…). ALTER s’inquiète de cette stratégie qui non seulement renforce la concurrence mais éloigne aussi notre clientèle fidélisée au fil des ans sur notre réseau.
Cette inquiétude n’est pas partagée par nos administrateurs pilotes siégeant au conseil d’administration. Pourquoi ? Ont-ils rempli leur rôle ?
Une stratégie de recul
Entre 2019 et 2024, le trafic domestique français a chuté de près de 25 %. Air France, Transavia et HOP! ont perdu des parts de marché, tandis que Volotea a quasiment triplé son trafic, jusqu’à atteindre 7 millions de passagers en 2024, soit près de 35 à 40 % du marché domestique français.
La compagnie espagnole est devenue un acteur majeur du ciel français, avec le soutien des régions et parfois du gouvernement, au détriment du Groupe Air France. Surtout, Volotea, renforcée par les abandons de ligne du Groupe Air France, s’impose désormais comme un concurrent dangereux pour l’avenir de notre réseau (voir BSPN 1476).
Les conséquences de ce démantèlement silencieux sont nombreuses mais (espérons-le !) réversibles :
- Abandon de nombreuses liaisons province-province
- Fermeture de bases HOP! et bientôt d’Air France
- Impact négatif sur les emplois pilotes de qualité
- Réduction du service public aérien, abandonné à des opérateurs low-cost à la rentabilité parfois douteuse.
Hypovigilance de nos administrateurs
Les administrateurs pilotes ont affiché un soutien répété et sans nuance aux orientations stratégiques de la direction, quelles qu’en soient les conséquences pour le réseau domestique. Pourtant, ils ont été élus pour sauvegarder les intérêts des pilotes en s’investissant dans les prises de décision.
C’est en tout cas ce qu’ils ont vendu aux électeurs en 2022 :
« Par analogie avec notre métier, si le Directeur général peut être comparé au PF, l’ensemble des administrateurs doivent jouer leur rôle de PM. »
Les candidats d’alors annonçaient :
« L’aide, l’écoute, et la puissance du syndicat majoritaire seront primordiales dans cette affaire. »
Après analyse de toutes leurs publications, force est de constater que ces candidats ont clairement trahi leur promesse de peser sur les décisions. Cette trahison n’a été possible qu’avec l’aide, l’écoute et la puissance du syndicat majoritaire.
Les « PM » qui ont donc été élus ont manifestement manqué de « LTE ». C’est ce qu’un instructeur aurait pu noter, verbatims à l’appui :
« Les choix faits en matière de flotte, de développement de Transavia, ou de recentrage des activités court-courrier sont pertinents. » (Courrier des Administrateurs n°7, avril 2022)
« Le Conseil d’administration a validé à l’unanimité les orientations stratégiques du Groupe, que nous soutenons. » (Courrier des Administrateurs n°11, juillet 2022)
« Il ne nous appartient pas de contester les choix de la direction, mais d’en assurer la bonne mise en œuvre. » (Courrier des Administrateurs n°14, septembre 2023)
Notée 1 (avenir de la compagnie engagé), la compétence LTE des administrateurs « PM » est catastrophique :
« N’exprime pas sa position, fuit ses responsabilités. »
Un ajournement des administrateurs lors des prochaines élections est la seule décision possible !
Il sera alors temps de promouvoir avec assurance l’étude de stratégies alternatives, et d’impliquer tous les décideurs pour atteindre un objectif commun : un avenir de la compagnie renforcé.
Stratégies alternatives
Le cabinet Syndex, mandaté comme expert par les représentants du personnel au CSEC Air France, a formulé plusieurs propositions concrètes pour redresser le domestique et préserver la plateforme d’Orly.
Parmi celles-ci :
- Maintenir une présence structurée à Orly en valorisant les liaisons transversales et les lignes à forte valeur ajoutée ;
- Réorienter une partie du trafic vers des avions de taille intermédiaire plus économes ;
- Profiter du large choix des créneaux pour se positionner comme acteur majeur de tout le trafic long-courrier au départ d’Orly ;
- Renforcer les correspondances intermodales avec le rail pour préserver l’accessibilité régionale ;
- Redonner une cohérence commerciale et sociale à l’activité domestique dans une logique de service public modernisé.
Syndex critique globalement le plan stratégique de la direction en le qualifiant de réducteur, opportuniste et dangereux à long terme. Le cabinet pointe :
- La désindustrialisation de la base Orly ;
- L’incapacité à occuper intelligemment les créneaux disponibles ;
- L’absence d’analyse socio-économique sérieuse ;
- La cession de pans entiers du marché intérieur à la concurrence low-cost étrangère.
Et le moyen-courrier à CDG ?
- Notre périmètre de 130 avions moyen-courrier il y a peu, garanti à 110 jusque 2030 par accord en 2019, est désormais voué à descendre à 87 (accord de 2024), voire moins au gré des envies de notre direction et de la signature du SNPL ;
- L’A220 privilégié pour le moyen-courrier rencontre trop de problèmes depuis son lancement (si bien que de nombreuses compagnies font le choix de se désengager des commandes, voire, comme Air Austral, de les remplacer). Pourtant, le démantèlement de la flotte A320 se poursuit ;
- Beaucoup d’aéroports imposent des limitations en nombre de mouvements, nul doute que CDG n’y échappera pas à terme. Des petits modules (le LIS-CDG du matin en A321 est plein tous les jours) ne peuvent suffire à alimenter le HUB ;
- SAS est désormais relié aux hubs de CDG et Amsterdam, et ses vols transatlantiques bénéficient désormais du code Air France.
La menace est réelle : l’avenir du Groupe Air France et de nos emplois est engagé !
Certaines décisions doivent être revues, cette fois-ci avec une évaluation efficace des risques et bénéfices de chaque option stratégique.
Abandon d’Orly, actifs du Groupe Air France abandonnés à la Holding : il faut réagir !
La complaisance n’est pas une stratégie, le silence n’est pas une protection !
ALTER a pris l’initiative d’écrire à Benjamin Smith.
Il n’est pas trop tard, pour quiconque, de s’impliquer dans la préservation de notre avenir, et de soutenir cette alerte pour qu’elle soit réellement et objectivement prise en compte.
