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Année charnière - Épisode 4

Comme chaque année ou presque, notre Directrice Générale, Madame Anne Rigail, a convié l’ensemble des organisations syndicales représentatives à une grand-messe de présentation sur des sujets financiers (les « problèmes de fonds propre ») et des perspectives à venir.

L’objectif : faire passer des messages.

Le premier d’entre eux : 2025 sera une année charnière, comme l’étaient 2021, 2022, 2023 et 2024, et comme le seront 2026,2027 et 2028.


Au bord du gouffre !

 

La tradition dans ce type de réunion est invariable : on commence par ce qui ne va pas.

Ainsi, les fonds propres sont en baisse par rapport à 2023, principalement dû au remboursement des dettes sociales non réglées pendant les années de crise (CRPN, cotisations sociales). Et ce n’est pas fini, il reste 800 millions de dette sociale à rembourser en 2025, 500 en 2026.

Air France ne pourrait pas, d’après la direction, être aidée en cas de nouvelle crise avec des fonds propres négatifs. Et du bout des lèvres, notre Directrice Générale ajoute que le cours de l’action dépend aussi beaucoup des fonds propres.

La marge d’exploitation ne serait « que » de 4,7 % (7,9 % en 2023) sur les 9 premiers mois de 2024. Pourtant, l’endettement est stable. Si vous faites, comme la direction vous le demande, des raccourcis rapides, vous en déduisez que c’est la marge d’exploitation qui conditionne notre avenir, qu’il faut agir.

Les fonds propres retourneront à l’équilibre vers 2025-2026 si la marge d’exploitation s’établit à 7-8 %, toujours d’après la direction.

 



La science au doigt mouillé.

 

La direction ne manque pas d’idées pour améliorer ses fonds propres.

La principale consiste à valoriser la Marque Air France en la vendant à une filiale créée de toute pièce et appartenant au Groupe Air France. Contre des royalties payées pour l’utilisation de la Marque (royalties qui remonteront finalement au niveau du Groupe), cette filiale achèterait la Marque Air France au prix de 1,5 milliard d’euros (source commission centrale économie production du CSEC).

Aucun risque de revente selon la direction :

La cession de la filiale dans moins de 10 ans conduirait à une requalification fiscale ;

Contrairement aux opérations financières du même type (les moteurs et flying-blue), aucun argent externe n’est mis sur la table (nous voilà rassurés pour ces deux opérations déjà présentées à l’époque comme un non-événement concernant les bijoux de famille).

Même si les précautions juridiques sont prises, le risque n’est pas nul de faire entrer un partenaire, ou d’y transférer des salariés de la Compagnie. Les créations passées d’Air France Finances, de Hop!, de Blue Link mais aussi le spectre de la filialisation de la maintenance doivent demeurer présents dans nos esprits.

 

Autre révélation au plus haut niveau des directions financières : le projet de payer moins d’impôts sur les sociétés en déduisant les pertes passées (près de 13 milliards de déficit reportable). L’opération permettrait de surcroit de valoriser cette prévision de déduction d’impôts dans les fonds propres, à hauteur de 200 millions d’euros.

 

Les esprits chagrins se demanderont pourquoi cette présentation qui concerne le Groupe Air France ne parle jamais de Transavia :

191 millions de perte en 2022, 120 en 2023, 811 millions de perte cumulées, 647 millions de capitaux propres négatifs, 13,8 millions versés à Transavia Hollande en 2023 pour la publicité, les frais commerciaux et de distribution, 52 millions d’euros versés à KLM pour l’entretien avion.

 

Vous l’aurez compris, côté direction, on sait innover pour atteindre les objectifs.

Selon elle, cela ne suffira pas, et comme personne ne souhaite la faillite d’Air France, le reste du chemin vers des fonds propres positifs passera immanquablement par des efforts des salariés : réduire les coûts a plus d’effets sur la marge d’exploitation que l’augmentation des recettes.

 

Les organisations syndicales sont donc priées de faire le service après-vente, comme depuis 2018, auprès des salariés qui ne partagent naturellement pas ce même objectif.

 

Finalement, quels résultats pour Air France ?

 

2024 sera la pire des meilleures années de tous les temps.

Plus clairement, les résultats de 2024 seront les deuxièmes meilleurs de tous les temps d’Air France, derrière ceux de 2023. 732 millions de résultat d’exploitation au troisième trimestre 2024 contre 806 en 2023.

Si on excluait l’effet JO (impact négatif estimé à 200 millions d’euros), 2024 et 2023 seraient comparables en termes de résultats.

Finalement, sur les 9 premiers mois de l’année, la marge d’exploitation n’est « que » de 4,7 %, c’est-à-dire exceptionnelle au regard de l’histoire d’Air France et des effets queue de comète Covid.

La demande est revenue à hauteur de l’avant Covid et l’expérience client est primée dans les classements internationaux (Skytrax…).

En norme IFRS (International financial reporting standards), les fonds propres sont meilleurs en septembre 2024 qu’en décembre 2023.

 

Entre 800 millions et un milliard d’euros de résultat d’exploitation pour Air France en 2024 et une direction qui feint la panique. Le pire c’est qu’il se trouvera des organisations syndicales pour relayer cette panique.

 

 

Dans ce contexte positif pour Air France, la direction sait qu’elle n’arrivera pas à faire avaler aux salariés des mesures de modération salariale, elle compte donc sur certains de ses alliés syndicaux pour faire passer le message.

 

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