Le législateur a doté les institutions représentatives du personnel (élus CSE, RP, syndicats) de prérogatives lui permettant de défendre au mieux les intérêts des salariés. Parmi ces prérogatives, l’une d’elles consiste à pouvoir vérifier la bonne application des accords et à s’assurer de l’équité de traitement entre salariés. Quand la direction ne répond pas, chacun est en droit de se demander ce que la direction souhaite cacher.
Carrière, à la carte ?
Le déroulé des actes de carrière est défini dans la convention d’entreprise du PNT (chapitre 1 : Emploi). Parmi les dispositions de cette convention, il est convenu que des stages peuvent être ajoutés à la main de la direction (les organisations professionnelles sont « averties »), uniquement sur groupe de base. Jusqu’ici, tout va bien. Ce qui coince, c’est quand un stage est ajouté en toute fin de saison (au hasard le 18 octobre) pour une mise en stage durant la saison suivante.
C’est ce qui s’est passé en cette fin de saison d’été, et l’effet n’est pas neutre : le premier pilote de réserve pour partir en stage CDB B737 a été appelé, son rang LCP étant LCP 3391. Si, comme le bon sens l’imposait, le stage avait été ajouté lors de la saison hiver, c’est le premier pilote de réserve sur cette saison qui aurait été appelé, son rang LCP étant 2394.
ALTER a interpellé la DRH pilote sur ce sujet :
« Monsieur le Directeur,
Le 18 octobre 2024, soit 13 jours avant la fin de la saison été 2024, le service carrière nous informait de la création d’un stage CDB B737. Vous noterez que la saison hiver 2024/2025 ne comporte que 6 stages CDB B737.
M. D, première réserve sur la saison été 2024, a été appelé. Son stage L2 a été programmé le 04 novembre (pendant la saison hiver). Ses congés ont été maintenus du 9 au 16 novembre, avant son stage L3 programmé du 19 au 22 novembre, puis de nouveau des congés les 23 et 24 novembre.
Son stage CDB est programmé le 07 décembre.
Je vous ai contacté le 04 novembre pour vous faire part de mon étonnement quant à ce choix d’ajouter un stage à la saison été, sachant que matériellement, celui-ci ne pourrait s’effectuer que lors de la saison hiver.
Après cet appel, j’ai constaté qu’un accueil CDB a été ajouté rétroactivement au planning de ce pilote le 18 octobre (des copies d’écran en attestent), juste après son activité réelle qui fut un aller-retour FEZ.
Pour quelles raisons avez-vous détourné volontairement l’esprit de la convention d’entreprise PNT, au profit d’un pilote et au détriment des pilotes de réserve sur la saison hiver ?
Vous souhaitant bonne réception de la présente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de nos sentiments distingués. »
15 jours après l’envoi de ce courrier, nous n’avons toujours pas reçu de réponse à nos interrogations.
La DRH cache quelque chose, nous n’osons croire qu’il s’agisse d’une manipulation de notre convention d’entreprise PNT au profit d’un pilote dument identifié !
En attendant, une chose est certaine : tous les pilotes classés entre 2394 et 3391, sur la LCP d’avril 2024, perdent définitivement un rang de priorité pour leur futur passage CDB !
Périmètre : encore des zones d’ombre
Un des feuilletons de l’été a été le non-respect, à hauteur de 20000 heures de vol par an, des engagements de périmètre pris par la direction par sa signature de l’accord de 2020 (celui qui permet à Air France d’abandonner le réseau domestique au départ d’Orly). Le SPAF, le SNPL et la direction estiment qu’ils ont réglé le litige par l’obtention de compensations à hauteur du préjudice. Nous ne reviendrons pas en détail sur le sentiment de trahison ressenti par les OPL A320 !
Quand ALTER posait la question de l’intérêt de cet accord de 2020 non respecté sur le périmètre heures de vol Air France, la réponse était invariable : la croissance de Transavia est contractuellement garantie plus forte que le déclin du moyen-courrier Air France. C’est vrai (sauf si l’on compare à l’accord de 2019), mais alors, prouvez-le, donnez les chiffres !
ALTER veut en savoir plus, évidemment, parce qu’il serait indigent de constater que même cette deuxième « part du marché » côté direction n’est pas tenue.
Réclamation individuelle et collective 2024-10-0008. Respect de l’application de l’accord du projet domestique :
« L’Article L 2312-5 du Code du travail stipule :« La délégation du personnel au comité social et économique a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du Code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise. »
Le législateur ne prévoit pas d’exception à la capacité d’obtenir des réponses relatives, entre autres, aux accords applicables dans l’entreprise.
Pourtant, vous avez répondu à la Réclamation Individuelle et Collective n° 2024-09-2270 :
« Le suivi de la bonne application de cet accord est bien opéré, conformément aux dispositions conventionnelles du chapitre 4 de cet accord, par les parties prenantes de l’accord : direction et OS signataires. Les indicateurs demandés sont des éléments entrant dans les prérogatives de ce comité de suivi ».
Cette réponse bafoue donc le Code du travail.
Les RP d’ALTER reposent donc la question de manière détaillée et attendent une réponse sans dérobade :
Vérification de la bonne application de l’accord sur l’accompagnement du projet domestique, Titre 1, article 1.1 :
Quel a été le nombre de coques brutes groupe de base qui a été publié le 30 septembre 2022 ?
Quel a été le nombre de coques brutes groupe de base qui a été publié le 30 septembre 2023 ?
Vérification de la bonne application de l’accord sur l’accompagnement du projet domestique, Titre 1, article 1.2 :
Quel a été le nombre d’heures de vol avion groupe de base, effectuées en moyen par Air France ou Transavia, pour la saison 2022-2023 ?
Quel a été le nombre d’heures de vol avion groupe de base, effectuées en moyen par Air France ou Transavia, pour la saison 2023-2024 ?
Vérification de la bonne application de l’accord sur l’accompagnement du projet domestique, Titre 1, article 1.3 :
Quel a été le nombre de coques brutes groupe de base, opérées en moyen propre par Air France, qui a été publié le 30 septembre 2022 ?
Quel a été le nombre de coques brutes groupe de base, opérées en moyen propre par Air France, qui a été publié le 30 septembre 2023 ?
Vérification de la bonne application de l’accord sur l’accompagnement du projet domestique, Titre 1, article 2.2 :
Quel a été le nombre d’heures de vol avion groupe de base, effectuées en moyen propre par Air France sur le Hub de CDG, pour la saison 2022-2023 ?
Quel a été le nombre d’heures de vol avion groupe de base, effectuées en moyen propre par Air France sur le Hub de CDG, pour la saison 2023-2024 ? »
Réponse :
« Après étude auprès des services concernés, les éléments de réponse apportés à la question RIC 2024-09 +2270 sont confirmés. A savoir que le suivi de la bonne application de cet accord est bien opéré, conformément aux dispositions conventionnelles, par les parties prenantes de l’accord : direction et OS signataires. Les indicateurs demandés sont des éléments entrant dans les prérogatives de ce comité de suivi.
Pour rappel, l’accord sur l’accompagnement du projet domestique 2020 prévoit dans son chapitre 4 “comité de contrôle des indicateurs” les dispositions suivantes :
Il est créé un comité ayant pour mission de vérifier le respect des indicateurs suivants :
Nombre de coques brutes du Groupe de Base ; HDV MC du Groupe de Base ; HDV de la trajectoire de rattrapage du point 2.1.2 de l’article 2 du chapitre 3 du présent Titre ; nombre de coques brutes LC du point 2.2 de l’article 2 du chapitre 3 du présent Titre ; Ratio de l’indicateur CDN sur la flotte Long Courrier passagers du Groupe Air France par rapport à celle de KLM tel que défini à l’article 3 du chapitre 3 du présent Titre.
Ce comité sera composé de deux (2) membres de la direction et de deux (2) membres pilotes désignés par les OS signataires du présent accord. Réunion du comité : Le comité se réunira à l’issue de l’année IATA et avant le 15 juin de chaque année. La direction convoquera ce comité et transmettra les données permettant de vérifier les indicateurs au plus tard 15 jours avant la tenue de la réunion du comité. » Les indicateurs demandés seront uniquement partagés dans le cadre du comité défini de manière conventionnelle, dès qu’ils auront été consolidés. »
ALTER n’avait déjà pas confiance dans ce fameux comité de suivi des indicateurs, et pour cause : il avait ‘oublié’ de mentionner le déficit en heures de vol MC dès 2022. Désormais, avec la volonté farouche de la direction de ne rien diffuser (la loi l’y oblige pourtant) sur ces indicateurs, avec la complicité du bureau du SNPL, ALTER est persuadé que cette seconde partie de l’accord de 2020 n’est absolument pas respectée.
Le SNPL a abandonné le moyen-courrier, le réseau domestique et Orly, contre… des promesses non tenues.
Ryanair et Volotea se frottent déjà les mains.
La transparence est le premier vecteur qui crée la confiance. Cette confiance, la direction ne se donne plus la peine de la chercher. Quant au SNPL, ayant signé pour 10 ans, il partagera sans nul doute les besoins et projets de la direction, aussi néfastes soient-ils.
ALTER est aujourd’hui le dernier contre-pouvoir face au rouleau compresseur qui hypothèque notre avenir (le périmètre) et ce qui fait lien (notre convention d’entreprise).