Depuis 2007, Transavia France est présentée comme la compagnie permettant au groupe de se défendre contre les low cost. Le développement accéléré de Transavia depuis 2019 est le fruit de cette même stratégie de repli. ALTER a toujours prôné une stratégie offensive, non de retrait et d’abandon. Malheureusement, les choix de Benjamin Smith vont conduire le groupe Air France à abdiquer sur le marché domestique, laissant le champ libre à la concurrence.
Analyse du transfert déjà opéré
Il y a 4 ans, Air France a transféré toutes ses lignes domestiques Orly à Transavia à l’exception de Nice, Toulouse et Marseille.
Nous commençons donc à avoir un certain recul.
· Montpellier
En 2019, il y avait 4 à 5 liaisons par jour avec CDG (pour permettre les correspondances avec le réseau mondial d’AF) et… 8 à 10 fréquences avec Orly pour les besoins de connectivité du territoire.
Après le transfert à Transavia, la ligne Orly-Montpellier a vu sa fréquence chuter drastiquement : 1 à 3 vols par jour (un seul le samedi, 2 le dimanche !).
Le nombre de fréquences au départ de CDG est resté identique.
Le nombre de passagers transportés a chuté de 50 % : de 600 000 à 300.000/an.
· Toulon
Dans un premier temps, l’offre a chuté de 25 % par rapport à Air France. En hiver, cette chute est même passée à 42 %.
De 3 aller-retour par jour, Transavia est désormais passée à 1 un aller-retour.
Les activités stratégiques Naval Group (ex Direction des Constructions Navales) et DGA (Direction Générale de l’Armement) subissent de plein fouet cette chute de connectivité.
Les passagers se tournent donc vers Marseille… tant que la ligne n’est pas abandonnée.
· Pau
En 2019, il y avait 3 à 4 liaisons quotidiennes vers CDG, et 4 vers Orly.
Depuis que Transavia a repris la ligne Orly, il n’y a plus qu’un vol par jour l’été (les avions sont réservés au segment loisir), tandis qu’Air France, au départ de CDG, a maintenu ses liaisons, mais avec de plus petits modules (70-90 places).
Transavia envisage d’arrêter cette ligne non rentable.
· Biarritz
En 2019, il y avait 3 à 4 liaisons quotidiennes vers CDG, et 4 à 5 vers Orly.
Transavia n’opère désormais plus que 3 liaisons vers Orly, tandis qu’Air France maintient 3 vols au départ de CDG, en petits modules (70-90 places).
· Brest
Transavia a abandonné la ligne Orly-Brest
Pour toutes les destinations déjà transférées, il ne fait aucun doute qu’après avoir (délibérément ?) saboté leur exploitation, Transavia fera le choix de l’abandon, laissant ainsi la concurrence libre de s’imposer comme seule alternative auprès de nos passagers. Il n’y a rien d’illogique et c’était prévisible : Transavia est conçue pour le marché loisir européen, c’est ce marché qui devrait (un jour ?) lui permettre d’être rentable.
Perspectives pour La Navette
« Entre Transavia et Air France à CDG, 90 % de l’offre sera maintenue. Ne vous inquiétez pas. ».
La promesse de la direction n’engage que ceux qui y croient. Nous allons tenter de vous démontrer le mensonge, avant qu’il ne soit trop tard.
· Concernant Transavia :
L’offre a déjà été rabotée sérieusement, et devrait continuer de l’être, selon les aveux de Benjamin Smith : « Nous agissons donc aussi rapidement que possible pour retirer ces vols [domestiques] de Transavia et pour transférer cette capacité du marché intérieur français vers des destinations européennes, qui sont beaucoup plus rentables, et bien sûr vers l’Afrique du Nord, où la concurrence est assez faible » (La Tribune, 15 déc. 2023), et d’Olivier Mazzucchelli (PDG de Transavia) : « Nous choisirons ce que nous ferons des créneaux » (Challenges).
· Concernant CDG et Air France :
La flotte moyen-courrier Air France ne cesse de diminuer (11 % en 5 ans). 114 coques en 2019, 101 coques en 2023, plancher (objectif) aujourd’hui garanti à 85 coques.
Le remplacement de la flotte A320 par des A220 diminue la capacité à produire de l’offre aux passagers.
L’augmentation de capacité, au départ de CDG, sur les destinations abandonnées au départ d’Orly est donc tout bonnement impossible, sauf à sacrifier l’alimentation du Hub depuis l’Europe.
Les chiffres ne mentent pas : Chiffres des dessertes quotidiennes
CDG + ORY | 2019 | 2023 | 2026 (prévi) | Écart |
Toulouse | 27 | 21 | 13 | -52 % |
Nice | 23 | 23 | 13 | -43 % |
Marseille | 18 | 14 | 10 | -45 % |
La croissance de Transavia
Tout transférer chez Transavia était déjà une bien mauvaise idée. Le faire aussi rapidement relève du suicide. Transavia n’a, actuellement, pas les moyens de soutenir cette croissance.
L’organisation et la logistique de Transavia sont inadaptées à tant d’activité. Tous les salariés de Transavia, pilotes en particulier, en sont les premières victimes malgré tous leurs efforts.
Les moyens opérationnels de Transavia ne peuvent pas suivre le rythme de la croissance souhaitée. Les avions et les pilotes manquent, Transavia étant contrainte par les rythmes de formation, les livraisons d’avion, le transfert d’activité du B737 vers l’A320 NEO.
La seule solution trouvée par nos directions a été, par voie d’accord, d’augmenter le nombre d’affrètements de longue durée (supérieure à 3 mois) autorisés. Puis, pour optimiser ces affrètements, Transavia, contrairement à Air France, a recours à un broker (AVICO). Résultat, les compagnies affrétées ne respectent pas le droit français, leurs pilotes sont sous statut d’auto-entrepreneurs et ne cotisent pas à la CRPN (entre autres).
Pendant ce temps, Air France (généreuse donatrice des créneaux d’Orly) se sépare de ses avions moyen-courrier (famille A320) et laisse ses pilotes en sous-activité cet été.
Air France et le SNPL, en transférant les créneaux et le réseau Orly à Transavia, participent à la croissance de compagnies (DAT, ETF, LEAV) dont nous combattons farouchement le modèle social !
Suspension des affrètements douteux
En réaction aux revendications portées par le SNPL et ALTER dans son préavis de grève des 22 au 25 juillet, Olivier Mazzucchelli (PDG de Transavia) vient d’annoncer l’arrêt immédiat de ces affrètements, preuve que le rapport de force fonctionne encore.
Néanmoins, quelques questions subsistent !
Ces affrètements sont annoncés comme « suspendus ». Dans quelles conditions vont-ils reprendre ? Il est hors de question de se contenter de laisser ces compagnies régulariser les contrats d’auto-entrepreneur en les transformant en contrats CDI de droit local (croate en ce qui concerne ETF) avec les faibles protections sociales qui vont avec, uniquement pour les pilotes qui opéreront les vols Transavia.
Quid des cotisations CRPN dues depuis deux ans ?
Faire profiter ces compagnies de la croissance de Transavia et de ses déficits de moyens ne revient-il pas, quel que soit le contrat pilote, à favoriser le dumping social ?
Comment vont réagir les passagers qui se tournent vers Transavia faute de présence d’Air France, et dont le vol est annulé au dernier moment à cause d’une filouterie organisée, intentionnelle et malhonnête, par la direction de Transavia ?
Conséquences pour notre clientèle
Une grosse partie des pertes de La Navette est due à la politique de la compagnie elle-même :
Le transfert massif des lignes Paris-province vers Transavia : Pau, Biarritz, Montpellier, Toulon, Brest. Avant ce transfert en 2021, 50 % de la clientèle était en correspondance inter régions à Orly.
Depuis lors, ces correspondances n’existent plus et cette clientèle est pour ainsi dire perdue.
Il n’y a pas de passerelle entre les deux compagnies, pas d’harmonisation des horaires pour permettre les connexions, Transavia a drastiquement diminué les fréquences sur les destinations qu’elle était censée reprendre. Du coup, une bonne partie de la clientèle affaires se détourne de ce qui reste du réseau et les pertes se creusent.
Au passage, cela est calamiteux pour les villes et régions concernées…
Faire un Nice-Nantes pour le travail en un temps minimum relève aujourd’hui de la gageure.
La fameuse restructuration dont parle la direction d’Air France est la cause même du mal.
Cette perte de connectivité orchestrée à dessein est un moteur de pertes pour Air France.
Air France vend ses billets depuis Orly beaucoup plus cher qu’avant pour organiser le transfert de clientèle. Exemple de devis sur un Paris-Nice : 1110 € sur AF, 320 € sur EasyJet.
Sur les vols annulés (de façon récurrente), Air France repositionne les clients sur les vols CDG de façon autoritaire. Le client qui veut aller à Orly se retrouve à devoir payer une grosse surcharge tarifaire alors que c’était son billet initial.
Pour couronner le tout et achever d’assombrir le bilan financier d’Air France à Orly, Air France choisit de retirer d’Orly les lignes rentables sur le Maghreb et de les transférer sur CDG (les lignes Orly-Casablanca et Orly-Tunis disparaissent cet été). Le Orly-Alger est affrété à Amélia (avec un avion qu’Air France lui a vendu). Nos passagers Maghreb plébiscitent pourtant les services d’Air France, au départ d’Orly, facilement accessible depuis les 2/3 de la région Île-de-France.
La concurrence se frotte les mains, les coûts fixes à Orly explosent pour Air France !
Les mauvais chiffres qui résultent de ce sabordage organisé à Orly et sur le domestique sont le prétexte facile pour justifier d’une politique d’abandon et de reddition face à nos concurrents low cost.
Transavia, qui devait être un outil offensif de développement contre ces low cost est devenue, au fil de la politique industrielle de Benjamin Smith, un alibi à une forme de résignation.
Il est encore temps pour les pilotes de s’engager pour l’avenir de notre compagnie.
Cela commence les 22/23/24 et 25 juillet par une participation massive au mouvement de grève initié par ALTER.
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