Dès 2019, ALTER a mis en doute les projets de Benjamin Smith concernant le moyen et court-courrier. L’actualité nous rappelle cette évidence : quand on a mis le doigt dedans,difficile de s’en dépêtrer. Le SPAF et le SNPL, signataires des accords accompagnant cette stratégie, peuvent pourtant encore dire STOP. Difficile, mais pas impossible !
La posture de plus en plus autoritaire de cette direction ne doit pas faire peur, au contraire.
La direction exige
Benjamin Smith et Oltion Carkaxhija sont tellement sûrs de leurs forces qu’ils s’invitent au conseil SNPL. Agissant ainsi, ils méconnaissent le seuil de tolérance des représentants syndicaux qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’inviter dans de grands restaurants.
Le discours pourrait paraitre surréaliste tant il dénote avec l’habituelle stratégie des petits pas :
Selon nos chers dirigeants, la proposition de 85 coques moyen-courrier (actuellement, nous avons 80 coques sur le seul Hub de CDG plus celles d’ORY) n’est pas un plancher, c’est un palier intermédiaire vers encore moins d’avions.
Un avion moyen-courrier « couterait » 4 millions d’euros par an à M. Carkaxhija ! Avec ce type de raisonnement, on se demande comment il compte remplir les avions long-courriers ! À moins que son projet ne consiste à remplacer nos avions par ceux de compagnies moins-disantes socialement ? Remarquez, c’est déjà ce qui est fait à Orly, avec le résultat que l’on connait : en 2023, Transavia perdait 9,5 euros par passager transporté, 1400 euros par vol opéré !
Le monologue de cette direction sur le périmètre moyen-courrier et l’avenir d’Orly n’a pu se conclure qu’avec cette phrase devenue culte dans la bouche du n° 2 du Groupe : « Je ne suis pas venu négocier, il n’y a rien à négocier ! ».
La direction ferait bien de comprendre que nous ne sommes plus ni au 19e siècle ni dans un pays où les droits sociaux sont inexistants !
Quand il leur est fait remarquer que l’exploitation est dans le dur (doux euphémisme), que la QVT (qualité de vie au travail) des pilotes est en chute libre, ils font mine de le découvrir et ne semblent pas vraiment s’intéresser à ce qui coûte vraiment aux finances de la compagnie.
ALTER réplique
Forts de plus de 30 ans d’expérience pilote et syndicale au service de la compagnie, nous avons quelques certitudes : chaque fois qu’un dirigeant a voulu passer en force, c’est qu’il savait son projet mortifère pour l’avenir de la compagnie. Notre actuel dirigeant devait donner des gages à très courts termes au monde des investisseurs (Apollo -le fond de pension US à qui Benjamin Smith vient de vendre Flying Blue et nos moteurs- entre autres) pour réussir là où d’autres avaient échoué : à savoir le découpage d’Air France en de multiples entités corvéables et construites sur le modèle du moins-disant social.
Le dernier à avoir agi de la sorte était Alexandre de Juniac, celui qui ne comprenait pas l’existence du droit de grève ni l’interdiction de faire travailler les enfants !
Affirmer que la fermeture d’Orly va dans le sens de l’histoire est une absurdité issue des PowerPoint de la direction.
Si l’on s’en réfère aux chiffres bruts :
L’exploitation court-courrier d’Orly perdrait 86 millions d’euros. Combien pour les seules Navettes que l’on devrait impérativement abandonner ? Quels bénéfices pour les vols Antilles ? La direction se garde bien de donner le détail ;
L’exploitation de Transavia est déficitaire de près de 100 millions d’euros par an ;
Le coût des annulations de vol à Air France (exploitation irréalisable avec les moyens alloués) est d’environ 70 millions d’euros.
Les pertes affichées du groupe (AF/Transavia et Hop !) sur Orly sont stables, le déplafonnement opéré pour Transavia et le retrait de Hop ! d’Orly n’y ont rien changé.
La rhétorique sur la comparaison du SKO (siège kilomètre offert) entre Air France et Transavia n’a pas plus de sens que ces chiffres bruts : non seulement il faut intégrer intellectuellement la recette au SKO pour bien comparer, mais il faut aussi comprendre qu’à chaque fois que l’on diminue la voilure d’Air France à Orly, la part des frais fixes par vol augmente mathématiquement. C’est d’ailleurs ce qui nous pend au nez à CDG dans quelques années.
Transavia doit s’industrialiser, dégager des moyens pour être rentable et assurer une exploitation sûre, c’est ce qui nous est répété pour justifier ses pertes depuis (presque) toujours. Une fois ces moyens mis en œuvre, quel sera l’impact sur le coût au SKO ?
La demande serait en berne ! Il est bien possible que certaines habitudes aient changé, mais qu’en est-il de tous ces passagers qui ont perdu cette connexion territoriale à Orly pour se rendre facilement partout en France depuis n’importe lequel des aéroports de province ?
Nos dirigeants ne veulent offrir à notre clientèle affaire que deux alternatives : Transavia ou EasyJet.
Cette dernière, qui se rue sur chaque ligne abandonnée, se frotte les mains, et prépare déjà son propre programme de correspondance. Leurs dirigeants ont beau être moins stratèges que Benjamin Smith (ils misent sur le domestique en France), ils dégagent des bénéfices. Paradoxal ou démonstratif ?
Construire l’avenir d’Orly
Nous devons réaffirmer notre refus d’emboiter le pas de la stratégie de cette direction : le marché domestique est toujours porteur, avec toujours plus de passagers. Si les errements passés ont poussé nos passagers dans les avions de nos concurrents, il faut réagir et non maintenir nos pratiques pour mieux justifier d’abandonner ensuite. Agir et construire une offre adaptée, c’est le rôle des vrais dirigeants de compagnies aériennes. Ils ont failli dans le passé en abandonnant le cargo, ne les laissons pas faire de même avec Orly, juste parce qu’ils souhaitent se « débarrasser » des salariés qui y font très bien leur travail.
Ce n’est pas Orly qui pose problème, c’est notre organisation globale. Que la direction fasse donc son travail !
La desserte d’Orly et la présence d’Air France sur le court-courrier participent d’une stratégie de marque, indispensable pour le markéting global de notre compagnie. Les grandes marques de voiture savent qu’il leur faut construire une gamme de modèles la plus large possible, quand bien même certains s’avèrent moins rentables.
Le court-courrier d’Air France participe de l’aménagement du territoire. On peut ressasser inlassablement qu’Air France n’est pas une entreprise de droit public, qu’elle n’est pas soumise à une obligation de service public, certes. Mais dans ce cas, comment justifier le sauvetage de la compagnie pendant le COVID, le paiement de nos salaires par le contribuable (par le biais de l’APLD, activité partielle de longue durée) ?
Les réelles priorités d’Air France
Benjamin Smith, pour arriver à ses fins (lesquelles d’ailleurs ?) doit cesser d’affirmer que l’herbe est bleue, et commencer à construire un projet qui ne surfe pas uniquement sur une croissance conjoncturelle et temporaire.
Il doit impérativement et en priorité rendre notre exploitation fiable avant d’aller chercher des économies hypothétiques par le biais de Transavia.
Il doit cesser de mentir en affichant un objectif de 400 millions d’euros de bénéfice pour Transavia (soit plus 500 millions par rapport à toutes les années précédentes) quand une compagnie telle qu’EasyJet fait 375 millions de bénéfice avec 340 avions.
Jusqu’ici, il n’a finalement pas fait grand-chose d’autre que de réduire le nombre de salariés, le transfert à marche forcée vers Transavia étant un des moyens privilégiés (on pourrait citer également la sous-traitance catastrophique de la maintenance auprès d’AWACS, l’externalisation de la formation chez BAA à Vilnius ou Barcelone…).
L’abandon d’Orly par Air France, ce n’est pas « oui à condition que ».
L’avenir d’Air France, ce n’est pas la destruction de notre outil industriel.
Notre réussite collective, ce n’est pas tomber dans la facilité.
Aux projets de Benjamin Smith, disons désormais définitivement NON !
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