Les accords de périmètre ne cessent de faire décroître le moyen-courrier Air France.
110 avions en 2019, 85 avec l’accord 2024. La différence tient essentiellement dans l’abandon des créneaux d’Orly.
Même avec cette décroissance du nombre de modules, la taille moyenne de nos avions diminue également. En cause, un choix de plus en plus contesté en interne de tout miser sur l’A220, un avion conçu pour les lignes régionales.
Même avec cette décroissance, la direction ne respecte pas ses engagements de production d’heures de vol au départ de CDG, et ce n’est pas près de s’arranger.
Une flotte moyen-courrier aux abois
Au-delà d’un constat partagé et de l’absence de réaction collective à hauteur des enjeux (exiger le retour au périmètre négocié en 2019 en dénonçant l’accord de 2020 qui l’amendait), des questions s’imposent à notre responsabilité :
Comment arriverons-nous à produire nos heures de vol en moyen propre, garanties par accord, en diminuant le nombre de coques avion ?
Le vécu d’un CDB A320 (loin d’être le seul) donne un élément de réponse peu encourageante :
« Bonjour, cause tension flotte, votre rotation ORY/FSC du 31/08 est transférée sur une autre compagnie. Elle est retirée de votre planning et vous bénéficiez de la prime IrgAv. Nous sommes désolés pour la gêne occasionnée. Cordialement. Le Suivi PNT »
Deux semaines plus tard : « Bonjour, cause tension flotte, votre vol HAM AF1710/1711 du 16/09/24 s’effectuera par HOP et vous bénéficiez de la prime IrgAv. Merci de consulter CREW et de nous contacter si besoin. Nous sommes désolés pour la gêne occasionnée. Cordialement. Suivi MC »
La dernière commission des rotations pour l’hiver nous apporte un autre élément de réponse : le nombre d’heures de vol moyen-courrier (A220+A320) est stable (en augmentation sur 220, en diminution sur 320).
Les CDB A320 ont beau savoir que le seul salaire qui leur est garanti est le MGA, on peut comprendre leur frustration quant à la baisse de leur activité.
Pour les OPL, la conséquence est plus problématique, en témoigne cet OPL :
« Bonjour,
Je suis OPL A320 AF… Que se passe-t-il chez Air France ? Mes collègues rentrés chez TO en même temps que moi (il y a pile un an) passent leur 1000e heure de vol, quand je peine à dépasser les 500. Les TNP 220 abondent. Et nous ? Sur 320 ? De pire en pire. Les vols se font très rares. Sommes-nous en sureffectif ? Auquel cas qu’est-il prévu pour y remédier ? À la sortie de l’élabo septembre, j’étais à -15. En octobre ? -17. Et comme si c’était trop, on m’a retiré une rot et me voilà pour le moment prévu à -30… Et personne ne dit rien. L’élabo ? “C’est comme ça”. Le suivi ? “On n’a rien désolé”. Les cadres ? Pas un mot sur le sujet. Tout juste : “ça ira mieux”. Je veux bien entendre que “l’aviation c’est cyclique”, “moi j’étais au MGA pendant 4 ans”, “pendant la guerre du Golfe, on ne volait pas”, etc., mais nous avons le droit de nous sentir en déséquilibre par rapport à tous ceux qui volent. Il serait temps de mettre le sujet en haut de la pile. »
La baisse d’activité a donc des conséquences immédiates sur nombre de nos jeunes collègues.
Que prévoit le prochain accord pour pallier les conséquences directes de cette stratégie douteuse qui empêche de respecter un accord pourtant frais (2020), en pleine croissance du transport aérien ? 6 ou peut-être 10 jours de congés pour toutes et tous les pilotes. Est-ce que c’est de cela dont rêvent nos plus récents collègues ? Certainement pas !
L’A220, un module adapté au moyen-courrier ?
La baisse de capacité de notre flotte MC pose par ailleurs un problème qui pourrait nous impacter toutes et tous collectivement : comment alimenter le hub avec 85 avions, dont 65 A220 ?
Un OPL, au contact de la réalité, s’est posé la bonne question :
« Premier vol du matin 6 h 10 à Barcelone en 321, 161 correspondances (dont toute la business)… comment le 220 va pouvoir assurer ça ? »
Comment se fait-il que KLM n’ait pas aussi bénéficié des super prix de l’A220 en vue du remplacement de ses B737 ?!? Pas de chance, ils récupèrent des A321NEO, sachant qu’ils n’ont jamais exploité d’Airbus MC de leur vie. Benjamin Smith est manifestement un vrai stratège de l’obscure…
« KLM prend livraison de son premier monocouloir Airbus A321neo
Air Journal — 28 août 2024
La compagnie aérienne néerlandaise KLM, membre du groupe Air France-KLM, a pris hier livraison de son premier Airbus A321neo dans le cadre de la modernisation de sa flotte avec des avions de dernière génération économes en carburant.
L’A321neo livré à KLM peut accueillir 227 passagers dans une configuration à deux classes, Affaires et Économique. La cabine intègre l’intérieur “Airspace” d’Airbus avec des compartiments qui offrent 60 % de capacité de bagages en plus. De plus, des ports USB-C sont disponibles pour les passagers à chaque siège, et le dernier système d’éclairage améliore l’expérience globale des passagers. L’avion offre également plus de confort à l’équipage, notamment un couloir plus large et des coffres à bagages faciles à ouvrir.
Le premier A321neo de KLM commencera à desservir Copenhague, Berlin et Stockholm à partir de la mi-septembre, suivis de Paris, Prague et Vienne. KLM accueillera cette année trois nouveaux A321neo supplémentaires dans sa flotte. KLM investira 7 milliards d’euros dans son programme de renouvellement de sa flotte au cours des prochaines années, ce qui représente une part substantielle de son portefeuille d’investissement total. Sur les liaisons européennes, la compagnie aérienne néerlandaise remplacera ses anciens Boeing 737 par des Airbus A320 et A321neo. Chez KLM Cityhopper, de nouveaux modèles E2 rejoindront les avions Embraer 175 et 190. Pour les vols intercontinentaux, KLM ajoutera cinq nouveaux Boeing 787-10, suivis de l’Airbus A350 remplaçant les anciens 777 et A330. Enfin, KLM a commandé quatre A350F pour sa division cargo en remplacement des 747 cargos. »
De deux choses l’une, soit la stratégie décidée par Benjamin Smith nous conduit à assécher le flux des passagers destinés au long-courrier, soit il envisage du plus long terme, en misant tout sur Transavia, à CDG (avec ses A 320 NEO) ou sur long-courrier.
Vers le tout low cost sur moyen-courrier ?
Les fuites dans la presse (le Figaro) sur certains tests à venir concernant le service à bord, donnent là encore un élément de réponse :
« Air France se met au “Buy on board” : une nouvelle ère à bord ?
Air France amorce un tournant décisif dans ses services à bord. À partir de janvier 2025, la compagnie nationale lancera un test de restauration payante, ou “Buy on Board” (BoB), sur deux de ses lignes court et moyen-courriers : Paris-Charles de Gaulle vers Helsinki et Lisbonne.
Exit les sandwichs et pâtisseries offerts avec un café ou une boisson gazeuse ? La compagnie prévoit de tester début 2025, sur ces vols en classe Economy, une évolution de son offre de restauration composée d’une offre gratuite et de produits complémentaires payants. Les passagers auront toujours droit avec leur boisson à une petite douceur salée ou sucrée (type biscuit). Le reste du menu sera à la carte… et payant.
Cette initiative confirmée au Figaro par la compagnie, qui fait grincer quelques dents parmi les habitués, n’est pourtant pas nouvelle dans le ciel européen. C’est Ryanair qui, dans les années 1990, a ouvert la voie avec ce modèle, permettant à ses passagers de n’acheter que ce qu’ils consomment, tout en abaissant le prix de base des billets. Aujourd’hui, Air France suit cette tendance, confrontée à une concurrence accrue, notamment des compagnies low cost.
Une offre sur mesure, dictée par le marché.
La restauration payante à bord, déjà répandue chez d’autres compagnies classiques (en Europe, Lufthansa et British Airways sont déjà sur ce modèle depuis longtemps, NDLR), n’est qu’une pièce supplémentaire dans le puzzle complexe des offres tarifaires actuelles. “Air France étudie en permanence les opportunités de faire évoluer son offre, afin de répondre au mieux aux attentes de ses clients, en adéquation avec l’évolution du marché”, a précisé la compagnie au Figaro. En clair, il s’agit de proposer une expérience de vol plus personnalisée, tout en conservant une offre gratuite minimale.
Rassurez-vous, pour les passagers de la classe Business, rien ne change. “Les clients continueront de recevoir une prestation complète composée d’un plateau froid signé par un Chef, accompagné de boissons chaudes, froides et d’une sélection de vins et champagne.” Air France tient à souligner sa volonté de maintenir un service de haute qualité pour cette clientèle premium. »
Air France sur les traces de Ryanair, est-ce cela la montée en gamme que Benjamin Smith nous a vendu avec son plus beau sourire ?
Il ne reste plus beaucoup de temps pour réagir et empêcher l’aboutissement d’une stratégie qui se révèle au grand jour après tant d’années de mensonges. Les pistes, nous les connaissons, elles passent par une remise cause des accords permettant cette stratégie (en particulier l’accord de 2020). Le moyen-courrier est menacé, le long-courrier, par effet boule de neige, le sera irrémédiablement dans un avenir proche
Comentarios